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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 octobre [1847], mardi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon pauvre doux bien-aimé. Puisse ce bonjour t’arriver comme une heureuse confirmation de la prochaine guérison de ta chère femme [1]. J’attends Joséphine avec une impatience que toute ma raison ne peut parvenir à régler et à modérer. Cependant il faut bien que j’aiea le courage d’attendre l’heure opportune pour se présenter chez toi. Et puis il faut que je tâche de t’obéir en me raidissant contre cette nouvelle douloureuse épreuve. Aussi aujourd’hui je vais faire tout mon possible pour copier. Peut-être cette occupation forcée fera-t-elle une salutaire diversion à la triste préoccupation de mon esprit. Je te promets de faire tout ce que je pourrai pour t’obéir mais ce qui pourrait le mieux m’y aider ce serait de bonnes nouvelles de chez toi. Il m’est impossible, vois-tu, d’oublier que tu es en proie aux plus affreuses inquiétudes et de n’en pas être cruellement affligée. Il faudrait que je ne t’aimasse pas plus que moi-même pour qu’il en fûtb autrement. Cher adoré, puissé-je savoir tout à l’heure que ta chère femme a passé une bonne nuit et je te promets de sourire et de pousser mon cri de joie de toute la force de mes poumons : – Quel Bonheur ! Quel Bonheur ! Quel Bonheur ! – En attendant je t’envoie mon âme dans un baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 236-237
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « j’ai ».
b) « fut ».


12 octobre [1847], mardi, midi ½

La période stagnante poursuita son cours jusqu’à présent sans vous donner de nouveaux sujets d’inquiétude, à ce que m’a dit Joséphine ce matin, mon cher adoré [2]. Il faut donc redoubler de confiance en Dieu et espérer que tant de courage de toutes parts aura sa récompense dans la guérison de votre bien aimée malade. Le difficile est d’arriver jusque-là en conservant la sérénité et le calme nécessaires pour soutenir jusqu’au bout l’épreuve si douloureuse d’une longue et dangereuse maladie. Je vais tâcher aujourd’hui de te donner l’exemple en copiant ton admirable et si intéressant manuscrit [3]. Si j’y parviens, comme je l’espère, je ne devrai cette victoire sur moi qu’à mon amour et à l’extrême désir que j’ai de te donner l’exemple du courage et de la confiance. Cher, cher adoré, mon sublime martyr je baise tes pieds avec dévotion. Je fais de tout ce que j’ai de meilleur en moi une sublime prière que j’adresse à Dieu pour qu’il te rende au plus tôt la tranquillité et le bonheur. Et puis je t’aime et puis je t’adore et puis je voudrais être votre servante à tous pour avoir la suprême douceur de vous donner sous toutes les formes l’amour et le dévouement dont mon pauvre cœur est trop plein.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 238-239
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « poursui ».

Notes

[1Adèle Hugo se remet de la fièvre typhoïde.

[2Comme chaque matin depuis quelques jours, Juliette a fait prendre par sa voisine Joséphine des nouvelles de la santé de Madame Hugo, victime d’une attaque de fièvre typhoïde.

[3Il s’agit du manuscrit de Jean Tréjean dont Victor Hugo a repris épisodiquement la rédaction. Ce manuscrit s’intitulera ultérieurement Les Misères puis Les Misérables.

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