Guernesey, 17 janvier [18]68, vendredi, 7 h. ¾
Coup de canon lui-même, mon cher petit dormeur, bien qu’il ne fasse pas encore tout à fait jour. C’est pourquoi, loin de me tourmenter de ta nuit, j’espère qu’elle a été très bonne et je suis heureuse que tu la prolongesa le plus longtemps possible. Moi aussi, j’ai très bien dormi et je me porte très bien ce matin, aux puces près. Je ne sais pas si cela tient à l’influence de saint Labre [1] et à la prose de Veuillot dont je suis infestée depuis quelques jours, mais depuis hier, j’ai tué trois énormes, énormes, énormes puces ! Cela étant, je vais faire faire dès aujourd’hui une battue générale sur mes terres pour me débarrasserb au plus vite de ce hideux gibier. Je te conseille de ton côté de faire peigner Sénat sur la pelouse de ton jardin, ne fût-ce que par mesure de précaution préventive au risque d’encourir l’indignation de Mme Chenay. Voilà une restitus qui me gratte plus que la bienséance et la propreté ne le permettent. Je me hâte de la finir par quelque chose de moins dégoûtant : JE T’AIME.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 17
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu la prolonge ».
b) « me débarasser ».