Guernesey, 6 mai 1856, mardi matin, 10 h. ½
Bonjour, mon cher petit DÉBOUTONNÉ, bonjour, tâchez de ne pas perdre vos culottes ce matin si vous pouvez. J’espérais que la pudeur vous forcerait à venir me voir ce matin mais il paraît que vous vous en fichez comme de moi et de l’an 40. Sans compter que vous avez votre MASTERS [1] aujourd’hui, ce qui vous occupera plus que vous ne voudrez. Quant à moi je vous attends aiguille et fil en main et prête à en DÉCOUDRE avec vous pour que le plaisir dure plus longtemps. Cher petit homme bien-aimé, comment va ta petite pôôôa ? As-tu bien dormi ? Au moment où ma pensée te fait cette question je suis enveloppée d’un nuage de suie qui sort en tourbillon de la cheminée sans feu. Quelle horreur ! J’en suis couverte ainsi que le plancher et les meubles. Quel charmant incident, eh bien si vous étiez là je le verrais en ROSE et je trouverais que tout est bien même la suie. Mais livrée à moi-même je grogne et bisque comme un vieux chien. Pense à moi, mon cher petit homme, et ne te moque pas de la BARBOUILLÉE en lui cachant les billets doux que tu reçois des CLÉMENCES et AUTRES cocottes épistolaires.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 138
Transcription de Chantal Brière
a) orthographe fantaisiste de « peau » ; chaque voyelle est surmontée de trois accents circonflexes.