Guernesey, 7 avril 1856, lundi après-midi, 1 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon bonheur, bonjour, je vais profiter du beau temps tout à l’heure pour prendre un bain. Depuis ce matin je trime comme un pauvre MALSENAIRE [1] dans ma maison à nettoyera, à raccommoder et à ranger. On ne peut pas savoir combien il est difficile de se tenir propre dans un trop petit espace et sans meubles. Quant à moi, je sais ce qui en est depuis cinq ans que je vis à l’auberge. Aussi j’avoue que le jour où je pourrai avoir un vrai chez-moi je n’en serai pas fâchée. En attendant, cependant, je m’en fiche avec assez de philosophie. Pourvu que tu m’aimes je consens à rester toujours en camp volant [2] et avec ma malle pour tout mobilier. À propos je fais venir du charbon aujourd’hui d’un autre marchand que celui de Mme Florence, d’abord parce qu’il est de vingt sous meilleur marché et surtout parce qu’il sera meilleur. C’est au marchand de Mlle Boutillier que je m’adresse parce qu’elle s’y connaît. D’ailleurs Mme Florence n’a plus besoin de la protection de son marchand de charbon puisqu’elle ne demeure plus chez lui : d’ailleurs je ne sais pas pourquoi je ferai les frais de cette protection. Maintenant, mon cher petit homme, je vais aller me tremper en suivant l’itinéraire accoutumé de la rue des RAMIERS dans le cas où tu voudrais venir au-devant de moi tu le pourras en lisant ce gribouillis que tu trouveras sur ta serviette en même temps que la clef du salon. Je t’aime à fer et à clous.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 108-109
Transcription de Chantal Brière
a) « nétoyer ».