Guernesey, 9 mars 1856, dimanche matin, 9 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon tout bien-aimé, bonjour, mon âme. As-tu pensé à moi hier au soir, mon adoré ? Moi je t’ai aimé avec un redoublement d’admiration et de tendresse qui faisait de mon cœur un foyer de flammes capable d’embraser la terre et le ciel. Quand te verrai-je, aujourd’hui, mon ineffable bien-aimé ? Il fait bien beau mais ce n’est pas une raison pour que tu sois libre de toute occupation et de tout travail. Aussi je me dispose à passer cette journée derrière mes vitres comme les autres. J’en profiterai même, si cela peut s’appeler PROFIT, pour finir mes gribouillis attardés à nos amis de France. Du reste je suis toujours sans nouvelle de Julie, ce qui prouve peu d’empressement de la part de cette aigrelette péronnelle. Aussi je serai très contente le jour où toutes ces insipides affaires seront terminées d’une façon ou de l’autre. En attendant je t’aime sans obstacle, de tout mon cœur et de toute mon âme et je te baise sans fin.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 82
Transcription de Chantal Brière