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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 juillet [1847], vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto envieux et jaloux, bonjour, c’est vous qui le voulez, ne vous en prenez qu’à vous si vous crevez de dépit quand vous verrez ma COPIE cent fois plus ORIGINALE que votre chétif ORIGINAL. Je sais bien que vous vous en vengez mesquinement en raccourcissant ma pauvre culotte mais ce que vous ôtez à mon bonheur n’ajoutera rien à votre gloire de dessinateur. Je suis, et resterai toujours la grande Juju du genre. Ceci une fois posé vous n’avez plus qu’à vous aplatira.
Suzanne est rentrée hier quelques minutes après toi. Je lui ai dit ce dont nous étions convenus ensemble pour l’avenir. J’espère qu’elle se le tiendra pour dit.
Cher bien-aimé, il me semble que s’il y a Chambre aujourd’hui, tu ferais bien d’y aller afin de pouvoir te dispenser d’assister à la séance de demain. Je te dis cela dans l’intérêt de notre chère petite culotte qui me paraît devoir, vu l’exiguïté de ses proportions, passer à l’état de caleçon de bain. Cependant je t’assure que j’aurais besoin d’une culotte à QUEUE pour couvrir et pour cacher tous les ennuis et tous les découragements qu’une longue année de privations a mis à [nu  ?]. C’est pour cela que je la voudrais la plus ample possible au risque de marcher dessus. Du reste, mon cher bien-aimé, je ne veux pas te tourmenter à ce sujet. Je sais que tu n’es pas libre autant que je le voudrais pour mon bonheur, mais d’avance je suis décidée à faire de la soirée de demain une bonne et charmante fête d’amour. D’ici là, je pense à toi, je te SOURIS, je te PORTE. Je crois à la garde nationale de Charles, à la mairie et à son auguste famille, et je t’adore.

Juliette

MVH, α 7954
Transcription de Nicole Savy

a) « applatir ».


30 juillet [1847], vendredi après-midi, 1 h. ¾

Cher adoré, je suis sous le charme impatient de la bonne petite soirée que tu m’as promise pour demain. Je crains seulement que quelque empêchement ne vienne à la traverse et n’ajourne encore une fois ce moment de bonheur tant attendu et tant désiré. Je voudrais le tenir déjà et je redoute d’avance quand il sera passé. Je suis comme les enfants gourmands qui lèchent leur bonbon tout autour sans oser le manger et qui pleurent dès qu’il est avalé. Je voudrais être à demain soir et je tremble d’être à dimanche matin. Ma vie se passe dans une oscillation perpétuelle de regrets et de désirs. Le bonheur a à peine eu le temps de se poser sur mon cœur dans l’intervalle de ce va-et-vient monotone et triste, qu’il est déjà reparti. Cependant je veux être heureuse demain, j’ai besoin d’être heureuse, il faut que je sois heureuse, bien heureuse. Mon âme a souvent des défaillances d’amour, comme l’estomac en éprouve par la faim. [L’inanition  ?]a de bonheur tue aussi bien que le manque de pain. Il y a des moments où je me sens mourir. Mais aussi demain je vais reprendre des forces et du courage pour longtemps. D’abord je veux de TOUT et de bien autre chose s’il y en a. J’en prendrai à discrétion et à indiscrétion. J’en mettrai plein mes yeux, plein mes oreilles, plein ma bouche, plein mon cœur, plein mon âme et ailleurs s’il y a de la place. Je veux que le wagon qui me portera en rugisse et en crève sous la charge.

Juliette

MVH, α 7955
Transcription de Nicole Savy

a) « ination ».

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