Paris, 9 nov[embre 18]70, mercredi matin, 11 h. ½
Que de pardons j’ai à te demander, mon grand ineffable bien-aimé, pour ma maussaderie hier. Je m’en veux de ne savoir pas mieux supporter mes misères et de te laisser voir mes souffrances dans toute leur hideur. Cette pensée et les efforts que je fais pour te dissimuler mon mal me torturenta au point de me rendre insupportable, non seulement à tous ceux qui m’approchent, mais à moi-même. Pardonne-le-moi, mon doux adoré, et aime-moi malgré mes infirmités physiques et morales. Jusqu’à quatre heures du matin je n’ai pas eu un moment de répit, les douleurs succédant aux douleurs, et les crampes aux crampes, compliquées d’un refroidissement que rien ne pouvait réchauffer. Enfin j’ai fini par en triompher et avec la chaleur l’apaisementb général de toutes mes souffrances. J’espère que la crise est entièrement finie et qu’il n’y paraîtra plus ce soir. Je te supplie donc, mon cher bien-aimé, de ne pas te préoccuperc davantage de ce bobo passager et de ne te souvenir que d’une chose, c’est de m’aimer, de me sourire et de me bénir comme je le fais moi-même à tous les instants de ma vie. J’espère que tes chers petits-enfants vont bien.
Collection particulière / Musée des Lettres et Manuscrits (Paris), 65943
Transcription de Gérard Pouchain
a) « torture ».
b) « appaisement ».
c) « préocuper ».