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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1838], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto, je vous écris levée et toutes mes fenêtres ouvertes comme en été. La colère et l’émoustillement me tiennent lieu de soleil et de chaleur. Figure-toi que ma servarde était dès le matin en bonne fortune et que rien ne se faisait chez moi et il est probable que c’est tous les jours ainsi du moins depuis que je me lève si tard. Au reste tout cela sent les infortunes de Gribouille et ce n’est pas de ça dont il s’agit c’est de vous ! Que faites-vous mon Toto et pourquoi venez-vous si rarement déjeuner avec moi ??? Je sais bien que vous travaillez mais ce n’est pas une raison pour ne pas venir vous fourrer sous mes couvertures ? De ce temps-ci je vous assure que c’est très bon. Enfin quand vous voudrez je suis toujours PRÊTE. Je compte sur ma loge ce soir. Je me liche d’avance tout ce qui me sert de barbe. Il y a si longtemps que je n’ai vu mon Ruy Blas. QUEL BONHEUR CE SOIR ! Papa est bien i. Il le sera tout à fait s’il veut souper avec nous ce soir ? N’est-ce pas que tu le veux bien ? Ce sera très gentil surtout la veille du jour de l’an. Je t’aime toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 288-289
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain


30 décembre [1838], dimanche soir, 7 h. ½

Je suis encore dans ma crasse, mon Toto, je ne t’ai pas écrit plus tôta ni ne me suis pas débarbouillée parce que j’ai eu la visite de Mme Krafft portant dans ses bras un album magnifique et un tas de petits papiers à lettres ridicules. Du reste elle n’avait pas vu la Potel [1], faute de temps, mais elle compte y aller le jour où elle ira toucher à la Renaissance mes appointements. Je reprends ma lettre où je l’avais laissée avec une joie de plus et un regret dans mon pauvre cœur amoureux, la joie pour le petit moment que tu viens de me donner, le regret pour la soirée qui va s’écouler jusquà minuit sans toi et sans espoir de te revoir avant l’heure du souper. J’ai bien peur que tu ne tombes par le givre et le verglas qu’il faitb. Si tu avais été raisonnable tu serais resté à la maison auprès de mon feu sans te déranger. Nous n’aurions pas fait de bruit. Enfin, tu ne veux pas rester dans ma maison même quand il y a les plus graves motifs pour cela, tu aimes mieux les coulisses de la Renaissance [2] et la rue. Moi pendant ce temps, je suis triste et jalouse et je me fais du mal. Ce soir par exemple, j’ai un mal de gorge ignoble et je sens que la pensée que tu es au théâtre ne contribue pas peu à l’augmenter. Mon Dieu, pourquoi donc t’aimai-je ainsi et pourquoi ne m’aimes-tu pas mieux ? Nous serions heureux si tu voulais. Je t’aime tant, moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 290-291
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « plutôt ».
b) « qui fait ».

Notes

[1Juliette Drouet parle d’une marchande qui réclame sa créance.

[2Du Théâtre de la Renaissance, où l’on joue Ruy Blas.

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