Voici un moment de calme – J’en profite pour te montrer l’état de mon cœur – Mon Victor – je t’aime de tout ce qu’il y a d’amour dans mon âme – Pourquoi ne peux-tu pas comprendre que je t’aime ? – Pourquoi ne pas séparer mon caractère de mon cœur ? – Tu m’aimes aussi pourtant – et tu me fais mourir – en paraissant douter de mon amour – Je t’aime – Hier, après ton départ, j’ai sentia couler de mes yeux des larmes bien amères – à cause de notre position à tous les deux –
Mon cher Victor – je refuse ton généreux sacrifice – Plus tard, il sera toujours temps de l’accepter – Aujourd’hui, il me tuerait – Il y a un mot, une phrase dans ta lettre qui a fait courir un frisson par tout mon corps – J’ai la tête perdue – je suis folle – oh ! c’est moi qui devrais mourir – si le ciel était juste –
Je t’aime bien Victor – quoique tu paraisses toujours en douter – Je te demande ton indulgence pour mon méchant caractère –
En retour, je te donnerai tout mon amour – toute mon âme. C’est bien peu maintenant – Autrefois, ç’aurait été tout –
Je t’aime.
Juliette
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
En ville
BnF, Mss, NAF 16322, f. 36-37
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « sentie ».