24 novembre [1838], samedi matin, 8 h. ½
Bonjour mon cher petit bien aimé, bonjour mon petit homme chéri. Je suis sur pieds, c’est à dire que je suis levée, car voilà tout ; du reste, je vomis, je pleure, je souffre, je suis dans un état hideux, et si j’étais connue et engrenée [1] à ce théâtre je ne bougerais pas de mon lit aujourd’hui au lieu d’aller à la lecture [2] ; avec cela que tu as eu l’attention délicate de compliquer mes envies en me faisant venir M. ANTÉNOR JOLY en VISITE, que le diable l’emporte, lui, et qu’on vous amène le plus tôt possible, que je vous baise sur toutes les coutures pour vous punir de votre noire méchanceté. En attendant je bois du thé comme une anglaise, je n’ai pas voulu aller à cette lecture sans vous avoir donné mon petit compte d’amour et d’adoration, comme à l’ordinaire, je me suis levée pour cela beaucoup plus tôta qu’il ne l’aurait fallu vu l’heure à laquelle je me suis couchée et à laquelle je me suis endormie. Aussi je n’ai pas figure humaine, ce qui est infiniment heureux pour la circonstance.
Jour mon petit O, plaignez-moi car je souffre, et aimez-moi puisque je vous adore. Je vais faire votre tisane, et faire votre lessive. Après, je ferai la mienne et je me mettrai tant bien que mal sous les armes, et je vous réponds que ma beauté ne tuera personne aujourd’hui. Il est impossible d’être plus laide et plus souffrante. Je vous aime, mon petit homme chéri. Je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16336, f. 174-175
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette
a) « plutôt ».