Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Novembre > 16

16 novembre [1838], vendredi après-midi, 2 h. ½

Bonjour mon cher bien aimé, bonjour mon adoré petit homme. Je ne vous embrasse pas pour ne pas vous embabouiner [1] votre jolie petite GEULE. La mienne est dans état hideux ce matin, je ferais reculer Matalobos [2] lui-même. A propos de cela, je n’ose me permettre d’assister à la [neuvième  ?] représentation de ce soir. Cependant je vous écris tout de suite une grosse lettre à tout événement. C’est un en-cas complet [3].
Je me suis levée tard aujourd’hui, sans savoir pourquoi car lorsque vous n’êtes pas dans mon dodo, je m’y ennuie même en dormant. J’attribue à la fièvre que j’avais cette espèce de léthargie absurde. Je vais écrire à cette pauvre Mme Guérard pour la rassurer. Après je prendrai un peu de café, et je m’habillerai toujours EN-CAS.
Je voudrais bien savoir, mon bijou, comment vont tes yeux ce matin, cela me taquine que tu ne veuilles pas emporter de ton eau. Je crains que ce ne soit par défiance, ce qui serait bien injuste et bien féroce pour moi, et pour tes chers beaux yeux adorés ? Au reste, il faut te laisser faire même les bêtises qui te sont les plus préjudiciables, parce que plus je te presse, plus je te sollicite de prendre soin de toi, et moins tu fais. Papa est bien i.
Vous devriez bien venir faire un tour par chez moi tout à l’heure mon Toto, j’ai besoin de vous voir et, quoique je ne sois levée que depuis un moment, la journée m’apparaît déjà mortellement longue. Je vous aime trop mon cher petit homme, je sens les minutes de votre absence comme autant d’années, je suis triste et maussade quand vous n’y êtes pas, comme si je devais être un mois sans vous revoir. Un mois ? Oh mon Dieu, ce ne serait pas triste que je serais, mais folle ou morte. Je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 150-151
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Néologisme formé à partir de babouin, mot patoisant désignant l’herpès labial.

[2Personnage de brigand farouche dans Ruy Blas.

[3Citation de Ruy Blas : don César, à l’acte IV, découvre de la nourriture dans la maison où il vient d’entrer par la cheminée.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne