20 décembre 1857

Guernesey, 20 décembre 1857, dimanche soir, 5 h. ½

Cher bien-aimé, je voudrais pouvoir te donner mon amour monté en soleil, en étoiles et en poésie, toutes ces pierreries sublimes du bon Dieu, en échange de deux merveilleux dessins que tu m’as donnés aujourd’hui. Mais à l’impossible nul et nullE^a n’est tenu et tenuL [1] et il faut que tu te contentes^b de mon PAUVRE cœur tout seul… Te voilà je te dirai le RESTE tout à l’heure quoique cela ne puisse rien ajouter à mon amour ni diminuer en rien ma bêtise…
Mon petit bien-aimé, voici ce qu’il me reste à te dire : je suis bien heureuse, bien comblée, bien fière, bien TOUT des deux nouvelles merveilles dont tu viens de m’enrichir. Je te les paie en t’aimant plus que tous les millions et les milliards de cœurs réunis en un seul ne pourraient le faire en s’y appliquant bien. Je n’ai pas d’autre monnaie que mon amour mais ce PLACER [2]-là est inépuisable quand bien même tu y puiserais, comme je l’espère, mon Dieu, pendant toute l’éternité. Maintenant, mon bon petit homme, je te fais souvenir que je suis depuis longtemps à tes ordres et que j’attends avec toute l’impatience de mon âme la COPIRE que tu m’as promise. Tâche de m’en donner tout de suite beaucoup et je n’aurai plus rien à désirer. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 231
Transcription de Chantal Brière

a) « nulE ».
b) « tu te contente ».