20 novembre 1857

Guernesey, 20 novembre 1857, samedi soir, 4 h. ½

Je vous gribouille pour l’acquit de mon cœur, mon cher bien-aimé, tout en sachant que cet inventaire quotidien de l’état de mon amour pour vous ne peut intéresser que moi. C’est donc avec une nouvelle joie que je me constate à moi-même que je vous aime encore plus aujourd’hui qu’hier comme j’ai constaté dès la seconde minute que je vous ai vu que je vous aimais encore plus qu’à la première auparavant. Constatation persévérante d’un amour ascensionnel qui pourtant jaillissait du premier bond de mon âme jusqu’au ciel. Je me dis là des choses, des folies [1], heureusement que vous ne les lisez pas, quel bonheur !!!!!!!!!!^a J’ai eu la visite du pauvre Cahaigne qui n’a toujours pas aucun galion à l’horizon. Il m’a laissé un papier bien inutile quoique fort crasseux. Ce sont des récriminations contre sa [dette ?] dont il nous a déjà beaucoup parlé, enfin le pauvre homme est si empêtré dans ce moment-ci qu’on ne peut que le plaindre en tâchant de le sortir du bourbier si c’est possible, ce qui n’est pas facile avec tout ce que tu as toi-même sur les bras, mon pauvre cher adoré. Quant à Bachelet, il ne reçoit aucune lettre ni aucun argent de France, ce qui l’inquiète et l’étonne beaucoup à ce qu’il paraît. Mais tout cela ne m’empêche pas de t’aimer de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 207-208
Transcription de Chantal Brière

a) Les dix points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.