27 juillet 1857

Guernesey, 27 juillet 1857, lundi matin, 7 h. ¼

Ah ! c’en est fait, je ne me marie pas, mais me voilà au pouvoir de Mauger et de son auguste crétin de fils, mon pauvre cher adoré, et déjà mes douleurs ont commencé^a car la première chose qu’il a faite, le susdit, a été de monter sur le rebord si lisse de mon lit. Hélas ! hélas ! hélas ! quel registre il me faudra pour consigner jour par jour, heure par heure, minute par minute les innombrables monstrueuses stupidités qui se produiront chez moi depuis le premier coup de marteau jusqu’au dernier. D’y penser j’en ai la chair de poule. Je me suis aperçue^b que tu avais ouvert ta fenêtre de très bonne heure, mon cher petit homme, est-ce que tu n’as pas bien dormi ? Depuis quelque temps tu me copies d’une manière absurde. Tiens, te voilà, quelle bonne surprise.
Je te gribouille à bâtons rompus, mon bien-aimé, car je surveille de très près mes ouvriers, au moins pour le déménagement des armoires et de la pendule, pour tout le reste il me faudra bien m’en rapporter à eux. Heureusement que tu seras là pour les diriger et pour les stimuler, mon bon petit homme. Ce sera un surcroît d’ennuis pour toi ajouté à tous ceux que te donnent tes propres travaux. Je le sens avec regret et je te suis bien tendrement reconnaissante d’accepter cette nouvelle sujétion avec tant de bonne grâce et tant de bonté. J’espère que ta peine ne sera pas perdue, mon doux adoré, et que tu auras la joie de faire une ravissante chambre pour [loger  ?] notre bonheur. En attendant je t’aime avec tout mon cœur et toute mon âme et je te remercie avec tout mon amour du nouveau sacrifice que tu me fais en t’occupant de moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 136-137
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]

a) « commencées ».
b) « aperçu ».