Guernesey, 8 mai 1857, vendredia après-midi, 1 h. ½
Mon cœur est toujours à ta poursuite, mon cher adoré, et dès qu’il croit te tenir tu lui échappes, ce qui n’est pas très encourageant. Autrefois tu m’aurais emmenée avec toi voir les pieds de ta table [1] mais maintenant tu ne m’associes qu’à tes promenades de nuit dans l’humidité et le froid. Tout cela ne m’empêche pas de t’aimer mais cela pourrait bien mettre un peu de tristesse dans ma vie, ce qui n’a pas autrement d’importance pour le reste de l’humanité.
Je voudrais sortir tout à l’heure pendant le beau soleil mais comme je n’ai pas pensé à t’en parler je ne veux pas m’exposer à perdre l’occasion de te revoir si par hasard tu as un moment inoccupéb dont tu pourrais disposer pour moi. Je resterai donc à t’attendre le nez sur ma tapisserie et les pieds au soleil. Tâchez donc de venir bientôt et de rester un peu longtemps pour me rabibocher de toutes les heures de solitude et d’embêtement que je passe depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre.
[Juliette ?]
BnF, Mss, NAF 16378, f. 78
Transcription de Chantal Brière
a) la date est ainsi formulée : « 8 vendredi mai 1857 après-midi ».
b) « inocupé ».