Paris, 1er décembre [18]73, lundi midi
Voici Petite Jeanne avec son irrésistible sourire qu’elle dirige vers toi de la rue à ta fenêtre. Son frère ne l’accompagne pas. Sa mère, je le comprends, n’a pas voulu se séparer de tous les deux à la fois aujourd’hui. Tu ferais bien de te hâter de faire ton hydrothérapie pour que nous puissions faire un peu profiter cette chère petite du beau temps qu’il fait, et lui acheter sa poupée, qu’elle me réclame séance tenante avec son tenace et doux gazouillement. Je vois, d’après le petit mot de Mme Alice, qu’elle te remercie de ta nouvelle générosité de ce matin. Elle en est contente, ce dont je suis ravie, parce que tu es encore le plus heureux du bien que tu fais autour de toi. Je sens aussi que je bredouille, comme toujours quand j’essaie d’exprimer ce que j’éprouve d’admiration, de reconnaissance, d’amour et d’adoration pour toi. Les mots s’emmêlent autour de ma plume, de telle sorte que je ne peux pas m’en servir et que je suis forcée d’y renoncer. A toi, mon grand bien-aimé, d’extraire de mon cœur le trésor de tendresse qu’il contient.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 335
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette