Paris, 3 septembre [18]73, mercredi matin, 9 h. ½
Je suis prête, mon cher petit affairé, c’est à toi à l’être de ton côté si tu tiens à déjeuner à 10 heures précises, comme tu l’as annoncé. Je crois que tu as passé une très bonne nuit. J’espère ne pas me tromper : je pense avec regret que j’aurai fini la copie aujourd’hui de : « La Libération du territoire » [1] et j’en suis toute triste d’avance, car, après le bonheur de vivre auprès de toi, je n’en connais pas de plus grand que celui de vivre avec ton génie. Aussi, mon cher adoré, je te supplie de me donner la joie de te copier le plus que tu pourras afin de ne pas me laisser tout à fait seule quand tu t’en vas. Dès que tu croiras que je peux t’accompagner à tes répétitions [2] sans étonner personne autour de toi j’en serai heureuse. En attendant je constate avec plaisir pour toi le beau soleil de ce matin qui te permettra de jouir de la beauté du trajet perché dans l’omnibus. Quant à moi je t’envie sans oser t’imiter à cause du vertige d’abord et le reste. Il est peut-être heureux si nous devons aller chez les Adam d’ici à deux mois que tu n’aies pas pu louer l’appartement de mon maussade et bonapartiste de propriétaire si la petite chambre d’en haut peut te suffire, celle qui a une cheminée et qu’il a offert de te louer. Tu ferais peut-être bien de t’assurer si elle peut faire l’intérim du [plusieurs mots illisibles] que tu désirais. Ceci dit, mon adoré, je reviens à mon mouton : je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 257
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette