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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 7 février 1854, mardi après-midi, 4 h.

Les restitus se suivent et se ressemblent, mon cher amour, grâce à la monotonie immuable de mon amour. Aussi, je ne sais pas quel charme tu peux trouver à lire cette espèce de [programme ?] de mon cœur tous les jours. On dit qu’il ne faut pas disputer les goûts et les couleurs ; mais il n’en n’est pas moins étonnant que tu tiennesa à ces maussades et informes élucubrations qui ont l’inconvénient de cacher mon amour plutôt que de le montrer. À moins que ce ne soit pour la forme, il m’est difficile d’expliquer votre motif. Cela ne m’empêche pas d’avoir une affreuse migraine et de me livrer à un redoublement de stupidités comme si cela était bien nécessaire à votre bonheur. Quant au mien, de bonheur, il dépend tout entier de vous, malheureusement, aussi je ne sais jamais quand et combien il vous plaît de m’en donner. J’attends. Occupation très noble mais très embêtante. Je regarde arriver la nuit avec impatience dans l’espoir que tu viendras dès qu’elle sera à son poste. Mais je crains que le bonhomme Durand dans son enthousiasme pour toi ne vienne en même temps, ce qui rognerait d’autant ma pauvre petite languette de bonheur. D’un autre côté, à moins de lui défendre de venir avant que la soupe soit sur la table, ce qui serait peu hospitalier, il ne comprend pas que sa présence puisse être une gêne pour nous. Il paraît que ton dîner est remis à demain, pourquoi ? Il paraît en outre que Manon-potage Suzarde a trouvé drôle de te [tanner ?] sous prétexte de te forcer à dîner avec moi aujourd’hui, comme si tu étais capable d’un pareil trait d’improvisation. Je te demande pardon pour elle et pour moi et je m’estimerai très heureuse que tu viennes tout de suite et que tu ne t’en aillesb que le plus tard possible. Jusque là, mon cher petit bien-aimé, je t’aime avec toute la patience dont je suis capable et je t’attends à outrance. Je te baise à foison et je te griffouille à mort. Si vous n’êtes pas content de toute cette raide action, tant pire pour vous, je ne peux pas faire mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 61-62
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière

a) « tienne ».
b) « ailles ».

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