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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er janvier 1854

Jersey, 1er janvier 1854, dimanche matin, 10 h.

À force de t’aimer, mon ravissant bien-aimé, je ne sais plus que te dire. Comme les branches qui plient sous trop de fruits, mon pauvre esprit est prêt de se rompre sous le poids de trop d’amour. Il n’y a que mon cœur assez fort pour porter sans se lasser jamais ma tendresse infinie, mon admiration et mon adoration pour toi.
Quelle lettre [1], mon adoré ! Je l’ai lue avec toute mon âme. Il me semblait qu’elle me pénétrait mot à mot, c’est-à-dire rayon à rayon jusque dans la moelle de mes os. Mon Victor, j’espère ce que tu espèresa, je veux ce que tu veux, je crois ce que tu crois, je suis ce que tu mérites que je sois. Je n’existe que par toi et ne peux vivre que pour toi. T’aimer, te servir, t’admirer et t’adorer, voilà mes attributions dans ce monde. Où tu seras, je serai, où tu lutteras, je veillerai. Quand tu souffriras, je prierai, quand tu seras menacé je te défendrai et je te sauverai où je mourraib.
Je te dis tout cela pêle-mêle et au hasard, mon Victor adoré, car rien ne m’est plus impossible que de discipliner ma pensée quand elle va vers toi : elle obéit moins à ma raison et au sens commun qu’à mon cœur et à mon âme, lesquels sont dans l’extase depuis ce matin. Je ne sais pas quellesc sont les épreuves qui t’attendent encore mon pauvre sublime [ illis.], mais ce dont je suis sûre c’est d’avoir le courage et le dévouement de mon amour. Comme toi j’associe le souvenir de nos deux âmes [2] à tous mes rêves, à toutes mes espérances, à toutes mes joies et à tout mon amour. J’en fais tes deux anges gardiens et je leur confie ta vie, c’est-à-dire la mienne, ton cœur, c’est-à-dire mon bonheur, et puis je mets en guise [fin de la lettre illisible].

BnF, Mss, NAF 16375, f. 1-2
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière
[Guimbaud, Souchon, Massin]

a) « espère ».
b) « mourerai ».
c) « quels ».

Notes

[1La veille, dans sa traditionnelle lettre du Nouvel An, Hugo lui a écrit : « Ce n’est pas bonjour, c’est bon an. C’est le baiser de moi, le proscrit du devoir, à toi la proscrite du dévouement. C’est notre douce fête de l’exil, à minuit, entre 1853 qui meurt et 1854 qui naît, fête des âmes, puisque les corps sont absents ; fête des cœurs puisque les bouches sont séparées […] ». Lettre publiée par Jean Gaudon, édition citée, p. 207.

[2Léopoldine et Claire, leurs filles respectives mortes en 1843 et 1846.

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