Lundi matin, 10 h., 20 juillet [1846]
C’est ta fête aujourd’hui, mon cher adoré, et je cherche dans mon cœur et dans ma pensée tout ce que j’ai de plus doux et de plus tendre pour te le donner en guise de bouquet. Autrefois, ma pauvre fille se réjouissait d’avance de ce jour-là et elle te préparait des surprises. Maintenant, elle se réjouit dans le ciel et elle demande au bon Dieu, je n’en doute pas, de te donner toutes les joies et tous les bonheurs de ce monde. Ce matin j’ai lu la messe à son intention et à la tienne, car je la priais de prier pour toi et pour tous ceuxa que tu aimes. J’espère qu’elle m’aura entendue et exaucée. Mon Victor chéri, mon adoré, mon amour bien-aimé, j’ai un côté de mon pauvre cœur meurtri et navré et l’autre côté plein de tendresse ineffable et d’adoration passionnée pour toi. Je pleure en pensant à mon pauvre ange envolé pour jamais. Je te bénis et je te souris en pensant que tu m’aimes et que je t’aime. Ces deux choses ne sont pas incompatibles et je les éprouve cent fois le jour. Mon Victor adoré, si je ne t’avais pas, je n’aurais pas pu supporter le malheur qui m’a frappée. Ton amour m’a préservée du désespoir. Sois béni, mon Victor adoré, car ton amour est un bienfait toujours. Je t’attends pour te baiser mon beau saint Victor et pour t’adorer, mon cher petit Toto. Tâche de venir plus tôt que d’habitude, que je ne sente pas les baisers se faner et se dessécher sur mes lèvres. D’ici-là, je vais me dépêcher de préparer ton eau [1] et me débarbouiller pour être plus digne d’approcher ma bouche de la vôtre. Baisez-moi tout de même en attendant et ne vous essuyez pas après, je vous le défends.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16363, f. 239-240
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette
a) « ce ».