Guernesey, 18 août 1859, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, c’est-à-dire santé, amour, joie et bonheur. Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre ; peut-être dors-tu encore, mais dans tous les cas tu fais bien de la garder fermée à cause du brouillard. Quelle charmante surprise j’ai euea hier quand tu m’as dit que ton Charles dînerait avec nous le soir [1]. Autant j’avais été déconfite par l’arrivée de Mme Chenayb, autant j’ai été joyeuse quand j’ai su que sa présence ne m’enlèverait aucun de mes droits jusqu’à l’arrivée de tes femmes. Malheureusement, je n’en ai pas pour longtemps maintenant de ce bonheur-là, mais je prétends en profiter jusqu’à la dernière minute. Quesnard a fait tout ce qu’il a pu hier pour asphyxierc notre gaieté mais nous avons tenu bon et il a en été pour ses frais de congre pâmé. Quand ce bonhomme n’est pas perfide, il est assommant. Enfin, malgré lui et malgré ses vapeurs, nous nous en sommes très bien tirés et Monsieur Charles m’a tiré et retiré notre tasse car il paraît que son véritable propriétaire est bien celui qu’on pense. Quant à moi, qui seule pouvait revendiquer ce tesson saxon plein d’un coupable mystère, je l’ai laissé aller sans aucun regret tant j’ai peur de votre ombre. Maintenant, mon bien-aimé, embrasse-moi et buvons notre amour dans le même verre et laissons le bon Charles vider toutes les tasses, voired même toutes les coupes.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 188
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « eu ».
b) « Mme Chenet ».
c) « asphixier ».
d) « voir ».