Paris, 15 mai [18]77, mardi soir, 5 h.
Je ne sais pas à quoi cela tient, mon cher petit homme, mais les journées, loin d’allonger tous les jours, semblent, au contraire, raccourcir d’autant ; de telle sorte que je n’ai le temps de rien faire, pas plus ce qui me plaît que ce qui m’ennuie, c’est déplorable. Depuis que je suis levée jusqu’à présent, je n’avais pas pu te gribouiller ma chère petite restitus, ce qui est pour moi le comble de l’agacement triste. Enfin m’y voici et j’en profite pour te placer ma petite requête au risque de te scier jusqu’aux os. Ce n’est pas tout que de me combler d’or et d’argent, il faut encore faire face à mes exigences routinières en m’écrivant une bonne petite lettre sous l’invocation de Sainte Julie [1] ; c’est mon seul côté clérical, ne me le reproche pas. Depuis que le mois est commencé, je ne songe qu’à elle, c’est-à-dire à ma chère petite lettre d’amour que je désire, que j’attends, que je dévore d’avance, que je baise et que j’adore comme si je la tenais déjà.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 131
Transcription de Guy Rosa