Paris, 6 avril [18]77, vendredi soir, 6 h. ½ [1]
Quelque part que tu sois, quelle que soit ta pensée et quelque chose que tu fasses, si tu m’aimes et si tu m’es bien fidèle, je te souris, je t’adore et je te bénis de tout mon cœur et de toute mon âme.
J’ai craint un moment que tu n’aies de la pluie ce soir pendant ta promenade, mais je vois avec bonheur qu’il n’en sera rien. J’espère aussi que tu ne feras pas d’imprudence dans tes descentions d’omnibus et que tu me reviendras ici tout à l’heure sans avaries aucunes. En attendant, je te fais souvenir que tu as deux dessins à faire pour La Légende des siècles de Paul de Saint-Victor. Pardonne-moi de t’en faire une scie, Dieu sait que c’est à mon cœur défendant, moi qui n’oserais pas pour mon compte te demander une pareille faveur, même en l’honneur de mon soixante-et-onzième anniversaire. Mais je tiens tant à ce que tu te conserves tes vrais amis que je n’hésite pas à t’obséder pour eux quand je crois que cela est nécessaire. Si non juste. Et puis, si je me trompe, mets que je n’ai rien dit et aime-moi tout de même. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 97
Transcription de Guy Rosa