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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1846

19 mai [1846], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour mon Victor bien-aimé, bonjour, mon consolateur, bonjour mon adoré bien-aimé. La nuit a été encore bien mauvaise et ce matin ma pauvre enfant est plus faible et plus souffrante que jamais. Les vomissements de bile ne l’ont pas quittéea depuis hier, ce qui l’épuise et lui ôte la possibilité de rien prendre. Je suis vraiment désolée de cette pauvre enfant. Je n’ai de courage et de cœur à rien. Si je veux prier, mes prières sont pleines d’amertume et loin de me soulager, elles me font douter de la justice et de la bonté de Dieu. Il n’y a que toi, mon doux aimé, mon généreux homme, il n’y a que ta pensée qui me console et me donne de l’espoir. Dès que je te vois, je sens toutes les plaies de mon cœur se fermer et mon courage revenir avec la confiance. Tu es la force de mon âme, la joie de ma vie, la consolation, l’abri et le refuge de mon cœur. Tu es mon orgueil, ma gloire, mon amour suprême. C’est en toi que je crois et que j’espère. Je te bénis, je t’aime, je t’adore. Je suis moins malheureuse depuis que j’ai commencé à t’écrire. Ta douce influence se fait sentir dès que je te parle ou que je t’écris. Il me semble [que] je fais sortir goutte à goutte toutes les larmes de mes yeux, tous les chagrins de mon cœur pour les remplir de ton doux sourire et de tes douces et consolantes tendresses.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 65-66
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « quitté ».


19 mai [1846], 2 h. après-midi

Même temps, même inquiétude, même tristesse qu’hier, mon bien-aimé adoré, et aussi même besoin et même désir de te voir, mon cher bien-aimé de mon âme. Je crains que M. Triger ne vienne pas aujourd’hui et qu’il ne me tienne à l’attendre inutilement en me privant deux jours de suite du bonheur de te reconduire. J’en ai une peur effroyable. Si cela arrivait, je serais forcée d’envoyer chercher l’autre médecin parce qu’il ne serait pas prudent d’attendre jusqu’à demain pour savoir que lui faire. Je viens de la forcer à prendre une cuillère de bouillon de poulet mais son pauvre cœur refuse toute espèce d’aliment et de boisson, ce qui fait qu’elle n’a aucune force. Je t’écris à bâton rompu, mon cher petit homme, en entremêlant mon gribouillis d’un sourire à ma fille, d’un rayon de soleil que je happe au passage en ouvrant la fenêtre de cette pauvre enfant, d’un oreiller que je rebats, d’un verre de tisane que je donne, d’une porte que je ferme, d’un blanchisseur que je reçois, enfin de tous les incidents que produisent les soins à donner à un enfant malade. Mais à travers tout cela mon cœur et ma pensée sont fixés sur toi. Je te désire et je t’aspire par tous les pores. J’attends l’heure à laquelle tu dois venir avec une inquiète impatience, car je suis toujours menacée de ne pas te voir. Cependant j’espère encore aujourd’hui. Mon doux ami, mon ravissant petit homme, je suis sûre d’avance que tu feras tous tes efforts pour venir. Je le sais et mon cœur t’en remercie et ma bouche t’envoie mille tendres baisers de reconnaissance et d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 67-68
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

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