Guernesey, 10 octobre 1861, jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher adoré, bonjour que la paix et le bonheur soient avec notre amour. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? Je crains que tu n’aies pas bien dormi et par ma faute peut-être. J’aurais dû ne pas te parler de ton Charles hier au soir. Il aurait été assez tôt ce matin. Je suis bien fâchée de n’y avoir pas pensé plus tôt. Mon pauvre adoré, songer que c’est par ma faute que tu as probablement passé une mauvaise nuit m’est insupportable. Et même sans ce remords ce serait encore fort triste de savoir que tu as mal dormi dans le moment où tu as tant besoin de repos. Je suis vraiment très fâchée de t’avoir parlé du désir de ton Charles, désir auquel il me semble tu ne peux pas te refuser dans l’état des choses. Sa pièce ne pouvant être jouée maintenant et son séjour à Bruxelles devant être au moins aussi long que celui de sa mère bien entendu [1], mon pauvre adoré, que je ne m’immiscea dans cette petite affaire que jusqu’où tu le permets et pour satisfaire religieusement le désir de Charles, qui, du reste, a tort d’imaginer qu’il peut y avoir entre lui et toi d’intermédiaires meilleurs que lui-même. Cela étant je ne t’en parlerai plus mais je fais des vœux pour que toi et lui soyez contents l’un de l’autre. Quant à moi, mon cher adoré, je t’aime. Voilà ma santé, voilà ma joie, voilà mon bonheur, voilà ma vie. Mes yeux vont très bien ce matin et le temps est splendide. Je vais lire l’article de Saint Victor sur Shakespeare c’est-à-dire sur son éclatant traducteur qui, cette fois n’est pas un traditore.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 120
Transcription de Florence Naugrette
a) « imisce ».