24 septembre 1854

Jersey, 24 septembre 1854, dimanche après midi, 3 h.

Cher petit homme, je suis en peine de savoir comment tu te tireras pour venir tout à l’heure de l’affreux vent qu’il fait. Justement tu l’auras dans la figure, j’espère pourtant que cela n’ira pas jusqu’à t’empêcher de marcher. Néanmoins j’aurais préféré que tu n’aies pas cet obstacle de plus ajouté à ta difficulté de mettre un pied devant l’autre. Comment as-tu passé la nuit, mon adoré petit bien-aimé ? La cicatrisation avance-t-elle et te fait-elle beaucoup souffrir ? J’espère que non parce que ton sang est si pur qu’il ne s’enflamme pas facilement. Tout autre qui se serait fait cette horrible blessure en aurait eu pour six semaines ou un mois de charpie et d’onguent. Toi il t’a suffi^a de quelques gouttes d’eau de vie pour être guéri. Ce n’est pas une raison pourtant pour que tu en abuses et pour que tu t’écrabouilles à tout propos. Heureusement que les bains seront bientôt hors de saison, ce sera toujours autant de mauvaise chance de moins pour votre imprudence naturelle. Attrapé ! Amenez-moi Robert [1]. À propos de Robert, Asplet a promis de venir demain avec le plus aimable empressement. Demain donc je terminerai l’embêtante affaire du nouveau logis. Il faudra pour cela que tu me donnes de l’argent aujourd’hui pour payer les trois mois d’avance. Il faudra surtout que tu me donnes beaucoup de baisers et d’amour parce que je suis un peu à chesse de cette denrée depuis trop longtemps. En attendant je vous aime à tort et à travers sans mesure et sans relâche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 317-318
Transcription de Chantal Brière

a) « suffit ».