Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1854 > Août > 30

Jersey, 30 août 1854, mercredi après midi, 4 h.

Il fait certainement trop chaud pour désirer marcher au grand soleil, mon cher petit Toto, mais il n’y a pas de fournaise capable de m’empêcher de désirer vous voir n’importe où. Est-ce qu’il ne serait pas possible que vous veniez travailler auprès de moi au lieu de rester dans votre chambre à épier les baignardes qui s’ébattent devant votre terrasse ? Il me semble que si vous n’y trouviez pas un criminel plaisir vous m’auriez donné la préférence depuis bien longtemps. Enfin à votre aise, je ne veux pas vous tyranniser sans relâche ; c’est bien assez, c’est beaucoup trop même, d’en faire le semblant quelquefois. Pour aujourd’hui je vous accorde une trêve complètea. Usez-en et profitez-en selon votre goût et votre bon plaisir. Pourvu que je vous voie une petiteb goutte d’ici à ce soir je serai très contente. J’ai d’ailleurs beaucoup de copire à rattraperc et je vais m’y mettre tout à l’heure dès que j’aurai fini mon fadasse gribouillis. Il est probable que vous reprendrez encore un second bain aujourd’hui pour contenter l’espèce de gageure que vous avez faite avec vous-même d’en prendre à vous seul autant que tous les baigneurs réunis de l’île. Dans ce cas-là vous viendrez me chercher, je l’espère, ne fût-ced que pour garder, et regarder vos effets, à vos risques et périls, car il s’en est peu fallu que je ne plante là hier tout votre équivoque équipage et que je ne m’en vienne à toutes jambes pleurer chez moi. Heureusement j’étais dans une disposition d’esprit tellement bonasse et moutonnee que j’ai attendu votre sortie de l’eau et votre explication avant de prendre un parti violent à ce sujet. Je me suis laissée convaincre, comme toujours, par des raisons peu convaincantes et je me suis dépêchée de croire à votre innocence pour ne pas risquer d’être injuste envers toi, mon cher adoré. J’aime encore mieux être dupe d’une illusion que de te tourmenter pour savoir la triste vérité.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 275-276
Transcription de Chantal Brière

a) « complette ».
b) « petit ».
c) « rattrapper ».
d) « fusse » .
e) « moutone ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne