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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 janvier [1843], mercredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon ravissant petit homme, comment que ça va ce matin ? Moi je vous aime, c’est vous dire que je vais très bien. Seulement je ne suis pas contente de vous puisque vous n’aviez pas de répétition ni d’affaire qui vous retiennent chez vous d’ici à vendredi. Vous auriez dû me donner cette matinée. Mais vous ne savez rien faire à propos, voilà ce qui est sûr. Taisez-vous !
J’ai été obligée de faire acheter du papier ce matin et si tu ne viens pas à mon secours d’ici à tantôt, je serai forcée de prendre cinq francs dans ton sac pour payer la blanchisseuse. Je pourrais lui demander crédit mais comme je veux la tancer sur son dernier blanchissage, et peut-être même la congédier, je ne le veux pas. Mais peut-être pourras-tu venir.
Justement voici la mère Lanvin qui m’apporte les cinquante francs que M. Pradier donne à sa fille pour ses étrennes, c’est-à-dire pour sa robe de mérinos noir. Nous ne serons plus en avance pour ça que de quelques francs. J’en ferai le compte exact. Du reste la pauvre mère Lanvin est au désespoir. Son mari n’a pas d’ouvrage et sa fille a eu encore une rechute. La pauvre femme pleure et se désespère. Il faudra mon pauvre ange que tu stimules encore Trébuchet pour cette place [1]. Ce sera une bonne action mon pauvre ange adoré. Ma providence, mon Dieu, mon tout, mon amour bien-aimé. Tâche de venir bientôt mon Toto ravissant. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 73-74
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


25 janvier [1843], mercredi soir, 6 h. ¼

Je ne vous vois pas guère, mon Toto, si vous m’aimiez comme je vous aime vous vous en apercevrieza très bien et vous viendriez tout de suite. Je vous pardonne un peu parce que je crois que vous avez des affaires par-dessus la tête, mais dès que je vous saurai un peu tranquille, je ne vous y laisseraib pas et il faudra bien me rabibocher de tout mon temps et de toute ma belle jeunesse perdue à vous attendre et à vous aimer dans le désert.
Je t’ai déjà dit que la mère était venue tantôt pendant que je t’écrivais pour m’apporter les 50 francs de M. Pradier. Depuis j’ai déjà pris 10 francs dessus tant pour le blanchissage que pour la maison. J’ai lavé la tête de mon susdit blanchisseur en attendant qu’il me lave mon linge pour de bon. Il m’a encore dit que c’était dans le chessoire que le linge s’était sali. Je lui ai conseillé d’user moins de chessoire et un peu plus de savon s’il voulait garder ma pratique. Demain, si j’ai le temps avant la nuit, je ferai le relevé des dettes et le relevé de la dépense de l’année passée.
Il fait un temps hideux, mon pauvre amour, il faut prendre garde à ta gorge et à tes pieds. Je n’aime pas à te savoir dans des bottes percées par ces affreux temps pourris comme il en a fait tout cet hiver. Si tu peux te décider à en mettre des neuves tu as des chaussettes toutes prêtes. Tu serais bien gentil de revenir cette nuit te reposer auprès de moi et demain tu arrangerais tes chers petits pieds et je serais plus tranquille et bien heureuse. Pense à cela mon Toto et tâche de venir. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 75-76
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « appercevriez ».
b) « laisserez ».

Notes

[1Cousin germain de Victor Hugo du côté maternel, Adolphe Trébuchet (1801-1865) travaillait à la Préfecture de Police à Paris, où il était plus précisément chargé des établissements sanitaires.

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