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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 août [1846], mardi matin, 8 h.

Bonjour mon doux bien-aimé, bonjour, comment va ton pauvre Charlot [1] ? Comment vas-tu toi-même, mon adoré ? Comment avez-vous tous passé la nuit ? Qu’a dit M. Louis hier au soir ? Je voudrais savoir tout cela tout de suite, car je suis bien triste et bien tourmentée de la pensée que ton fils peut être sérieusement malade. Si tu pouvais venir bien vite m’apporter de bonnes nouvelles, mon Victor adoré, je t’en serais bien reconnaissante et bien heureuse. J’ai un mal de tête fou et que j’attribue à mon inquiétude et à mon impatience. C’est un véritable supplice que de sentir ceuxa qu’on aime le plus au monde en proie au mal ou chagrin loin de soi. Je n’en connais pas de plus grand et de plus insupportable. Tu me délivrerais d’un grand tourment, mon Victor bien-aimé, si tu pouvais venir tout de suite me tranquilliser en m’annonçant que ton Charlot va mieux. Mon Dieu, pourvu que ta nuit ait été bonne ? Pourvu que tu aies pu prendre du repos ? Quand le saurai-je ? Oh ! je suis malheureuse d’être séparée de toi toujours et de ne t’être bonne à rien. J’en souffre et j’en suis humiliée au-delà, et pourtant je t’aime plus que ma vie. Mon Victor, mon adoré, je baise tes pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 71-72
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « ce ».


25 août [1846], mardi après-midi, 3 h.

Je ne sais pas ce que je dois penser, mon Victor, et quoique prévenue par toi hier qu’il se pourrait que tu ne vinsses pas aujourd’hui, je suis on ne peut pas plus tourmentée. Quelque temps qu’il fasse tantôt, j’irai t’attendre à Saint-Sulpice. Jusque-là, Dieu sait combien d’idées tristes et de suppositions douloureuses me passeront par la tête. Mon Victor, mon Toto, mon doux bien-aimé, je t’aime. Je voudrais te faire un talisman de mon amour. Je donnerais au bon Dieu ma vie et mon âme, s’il voulait en faire des jours heureux pour toi et pour les tiens. Jamais tu ne sauras combien et comment je t’aime. Moi-même je ne le sais pas, car je n’ai jamais trouvé le fond et le bout de mon amour. Tous les jours qui s’ajoutent à ma vie ajoutent des siècles d’amour à mon amour. Je ne sais pas comment cela se fait, mais c’est ainsi. Je ne me l’explique pas, je le sens jusque dans le plus profond de mon âme. J’attends tantôt avec impatience, car j’ai à reprendre le doux moment, que tu ne m’as pas donné tout à l’heure, et des nouvelles de ce pauvre Charlot à apprendre. Mon cœur fait des mouvements dans ma poitrine, comme pour pousser les minutes et hâter le moment où je te verrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 73-74
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Charles Hugo a la fièvre typhoïde.

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