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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 janvier [1843], mardi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, comment vas-tu, comment m’aimes-tu, ce matin ?
Je t’ai vu cette nuit bien préoccupé de cette histoire de Mlle Touchet. Je sens combien ton amour-propre doit être chatouillé par de pareils hommages, mais, mon pauvre ange, qui est-ce qui t’aimera comme moi ? qui est-ce qui donnera sa vie, son cœur et son âme à un seul homme comme je le fais pour toi ? Ce n’est pas chez moi un engouement de bas-bleus, un dévergondage de femme qui épouse M. Ourliac pour coucher avec M. Hugo, une excitation de la tête ou un caprice de tempérament.
Ce que j’éprouve, moi, c’est de l’amour, de l’amour plus souvent malheureux qu’heureux, plus souvent triste que gai, mais toujours aussi tendre, aussi dévoué, aussi passionné que le premier jour, que rien ne peut altérer ni détruire, que tu trouves toujours aussi fidèle, aussi pieux que si tu étais Dieu et que je fusse ange.
Cependant je sens bien que tu as des curiosités et des désirs de voir en détail des femmes qui s’occupent de toi d’une façon si flatteuse pour ton amour-propre d’homme et de poète. Je ne veux pas t’en empêcher. Je sens seulement qu’à la première infidélité j’en mourrai, voilà tout. Maintenant, à la volonté de Dieu et à la tienne.
Je suis toujours très souffrante, j’ai passé toute ma nuit à pleurer et je pleure encore en ce moment-ci, mais qu’importe, si tu es heureux.

Juliette

Lieu de conservation non identifié.
[Souchon (que nous recopions ici)]


17 janvier [1843], mardi soir, 11 h. ¾

Tu vas être bien étonné, mon petit bien-aimé, de ce que je t’écris si tard, contrairement à mes habitudes quand je n’ai personne avec moi. Mais c’est qu’en effet j’ai eu du monde : Eulalie et Joséphine sont venues dîner avec moi ; la première parce que je l’avais mandée en toute hâte pour aviser à trouver un remède à tes chemises ; elle les a recousues avec le plus grand soin et maintenant, si elles manquent, ce ne sera pas par la couture, mais par l’étoffe. Elle reviendra la semaine prochaine arranger les trois autres mais elle ne veut pas qu’on mette la déchirée à la blanchisseuse avant d’être raccommodéea.
Tout cela, mon petit Toto, et la visite de Mme Guérard à qui, par parenthèse, je n’ai pas pu donner les 10 francs d’acompte, m’a tenue jusqu’à présent.
J’espérais que tu serais venu un moment avant ton dîner mais il paraît que tu ne veux pas me gâter en me donnant deux joies si près l’une de l’autre. Aussi j’ai remarqué que chaque fois que tu venais cinq minutes dans la journée, je ne te revoyais pas de la soirée. Pauvre adoré, je ne veux pas insister sur ta manière d’être avec moi depuis plus de deux ans parce que je crains d’être injuste dans ce moment-ci. Aussi, mon pauvre ange, je ne t’en veux pas. Je t’aime et je crois que tu n’as pas eu le temps de venir ce soir. Mais si je ne te voyais pas tout à l’heure je passerais une bien mauvaise nuit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 53-54
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « racommodée ».

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