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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mai 1838

18 mai [1838], vendredi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon bon petit homme chéri, bonjour mon cher petit frotteur. Je vous aime et vous m’avez arraché la peau tellement que je me prive de frictions pour ce matin. Je vous promets aussi de ne pas prendre de café. Suis-je assez bonne, hein ? Les choses sont revenues à leur état naturel, c’est-à-dire que ma grande douleur est calmée et que la sourde reste toujours à poste fixe, la sournoise qu’elle est. Cependant je vous l’ai promis mon Toto et je tiendrai ma promesse. Je ne prendrai pas de café pendant quelque temps, mais alors il vous faudra venir manger la crème si vous ne voulez pas que je succombe à ma manie d’ordre et d’économie, qui me fait une loi de ne rien perdre et surtout la bonne crème du bon Dieu. Il fait bien froid, mon loup. Tâchez de ne pas vous enrhumer et tâchez en même temps de venir très tôt. J’ai besoin de vous embrasser tout de suite, c’est très pressé. Si vous allez au spectacle ce soir ou un autre soir je ne veux pas que vous y alliez sans moi. Je n’ai pas besoin, moi, que vous protégiez les actrices de 40 ans et qu’elles vous fassenta les yeux doux [1]. Je veux être là et savoir ce qui se passe, entendez-vous, et puis venez me baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 164-165
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « elle vous fasse ».


18 mai [1838], vendredi soir, 8 h. ½

J’ai bien mal à la tête mon amour mais je t’aime de toutes mes forces. J’ai bien mal aux doigts mais j’ai aussi bien de l’amour dans le cœur et c’est pour cela mon adoré que je couvrirai tout mon papier de mots de tendresse. Écoute mon petit homme, si la petite lanterne te fait trop envie, je te la donne avec son pied et je serai trop heureuse de faire épanouir ta belle figure de ce bon rire d’enfant qui te va si bien. J’ai du regret à présent d’être venue chez la mère Pierceau avec l’horrible mal de tête que j’ai, j’aurais mieux fait de rester chez moi à me chauffer les pieds. Je souffre, mon pauvre bien-aimé. N’attribue mon redoublement de stupidité qu’à l’excès de mon mal de tête qui m’empêche de penser mais pas de sentir car je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé. Toto je vous défends d’aller au théâtre sans moi. Vous me feriez beaucoup de vrai chagrin si vous y alliez sans moi. Je t’aime mon Toto, n’oublie jamais cela. Je t’aime, je t’adore. Tâche de venir très tôt. J’ai besoin de te voir et puis j’aurais besoin de me coucher car je souffre. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 166-167
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Difficile d’identifier précisément de qui Juliette Drouet est ici jalouse. Elle le fut assurément de Mlle Mars, de Mlle George, et de Marie Dorval.

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