1er mai 1854

Jersey, 1^er mai 1854, lundi après-midi, 4 h.

Pendant que les hideux mouchards de Boustrapa rôdent autour de nous, mon pauvre bien-aimé, moi je te…

2 mai, mardi après-midi 2 h.

L’avantage des gribouillis qui n’ont ni queue ni tête, c’est qu’on peut les interrompre et les reprendre à distance et à travers les événements publics et privés, sans qu’il y paraisse. Ainsi fais-je à vingt-quatre heures de distance sans autre différence que celle du mardi au lundi. Allons voilà le citoyen Durand. J’ai donné audience à ce brave homme, mon cher adoré petit homme, avec l’impatience et la préoccupation^a de finir au plus vite ma restitus dans l’espoir que tu viendras bientôt car la poste a déjà fait son service. Tantôt je t’ai décoché le citoyen Allair qui m’a paru plus décidé que jamais à partir au moins jusqu’à Southampton. Il m’a demandé la permission de m’écrire, ce que je lui ai accordé d’autant plus volontiers qu’il m’a promis de me donner tous les renseignements utiles pour nous, le cas échéant où nous voudrions aller en Portugal. Maintenant, mon cher petit Toto, j’ai épuisé le vaste cercle de mes CONNAISSANCES, aussi je serais bien heureuse si tu en profitais pour venir travailler auprès de moi jusqu’à ce soir. Je t’ai si peu vu hier que j’ai grand besoin d’un bon rabibochage aujourd’hui. En attendant je fais du STYLE PIQUANT à travers mon papier. Jamais je ne saurai me servir de ces espèces de lancettes qu’on qualifie de plume… métallique. Oh ! que j’aime bien mieux l’amour parlé et ponctué de baisers en guise de points d’admiration. Décidément c’est un triste milieu pour l’âme que la bouteille à l’encre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 168-169
Transcription de Chantal Brière

a) « préocupation ».