Paris, 13 juin 1880, dimanche matin, 8 h.
Cher bien-aimé, nous faisons à nous deux chacun une bonne nuit tous les deux jours ; tantôt toi, tantôt moi. Nous alternons de mauvaise en bonne, et de bonne en mauvaise. Aujourd’hui, c’est ton tour à la bonne et moi à la mauvaise, c’est bête comme tout et nous devrions bien tâcher de marcher de conserve [1] et toujours dans la bonne voie du sommeil, ce serait plus amusant et meilleur pour nos santés. Reste à trouver le moyen, voilà le hic. En attendant que nous l’ayons trouvé, je suis très heureuse de penser que tu as eu une bonne nuit, et pour peu que tu m’aimes, je ne demande rien de plus aujourd’hui. La dame [2] qui est venue l’autre soir accompagnée de sa jeune fille et d’une autre dame t’a écrit pour te remercier de l’accueil que tu lui as fait ; elle t’envoie une lettre archia aimable que tu lui as écrite de Vianden [3] et qu’elle garde avec amour, je crois bien, et te prie de la lui renvoyer, manière ingénieuse de s’en faire écrire une autre, ce à quoi tu ne manqueras pas. Mais j’en prends mon parti, autant elle qu’une autre. Autre lettre du ministre de la Guerre que tu liras. Puis des riens à foison parmi lesquels mon amour pendu à tes trousses. « Je sais des postures plus belles » [4].
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 160
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « archie ».