15 octobre [1846], matin, 8 h. ½
Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour je t’aime. Je suis encore toute blaireuse mais je t’aime. J’ai séance aujourd’hui et j’espère bien ne pas la manquer. Je me dépêche le plus vite que je peux de faire mes affaires pour être prête en même temps que toi dans le cas où tu voudrais bien que je te conduise jusqu’à l’académie.
Si vous aviez eu bon nez vous seriez venu tout à l’heure au-devant de Mme Triboulet [1] qui est arrivée dans un cabriolet découvert et en chapeau (en) robe et en toilette d’été. Elle est encore chez sa mère et rien ne s’oppose à ce que vous vous trouviez sur son passage par hasard. Voime, voime et moi. Vous m’avez appris ce que vaut le hasard, Mets que font les fripons pour les sots qui le mangent [2]. Aussi je n’en veux pas manger sous aucun prétexte. Dans le cas où vous auriez le front de venir pendant que cette évaporée est là je vous ficherais une raclée soignée et dont vous vous souviendriez. J’en ai pas besoin, moi, d’être mystifiée. Justement voici qu’on sonne, mais c’est une sonnerie timide qui n’annonce pas le vainqueur. Justement ce n’est que mon humble porteur d’eau. J’en suis pour mes griffes aiguisées en pure perte. Une autre fois je serai plus heureuse. En attendant, je vous attends, baisez-moi, cher scélérat, et aimez-moi. Vous le devez par devoir, sinon par plaisir, parce que votre amour c’est ma vie.
Juliette
MVH, α 8976
Transcription de Nicole Savy
15 octobre [1846], jeudi après-midi, 3 h. ¼
Vous n’êtes pas très généreux, mon petit Toto, et je m’attendais à rester plus longtemps que ça avec vous. Tirez donc la langue toute la semaine après une pauvre petite séance pour vous la voir rogner encore aux trois quarts, c’est bien agréable. Tiens il pleut à verse, c’est encore bien agréable aussi, c’est égal j’irai, heure militaire, je serai chez Mme Féau. Je ne suis pas si bête que de me couper à moi-même ma satisfaction. C’est bien le moins peut-être. A propos, comme j’ai à peine déjeunéa je vais dîner avant de sortir. Ceci n’est pas trop bête quoique vous en disiez. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Si vous voulez que j’aille ce soir chez Joséphine je donnerai campo à ma servarde pour qu’elle aille chez sa cousine. Si vous ne voulez pas ce sera très bien nous resterons chez nous. Je viens d’écrire tout à l’heure à Dabat et je lui ai fait part de la fameuse synecdoche [3] afin qu’il en fasse son profit. Et puis je vous baise et je vous aime et je vous adore comme une gouliaffe. Que ne puis-je en dire autant de vous. Baisez-moi, monstre.
Juliette
MVH, α 8977
Transcription de Nicole Savy
a) déjeuner.