Paris 20 juin [1880], dimanche matin, 7 h. ½
Dors, mon cher grand bien-aimé, c’est ce que tu as de mieux à faire surtout si, comme moi, l’orage t’a empêché de dormir toute la nuit. En ce moment-ci, même, il se prépare une averse qui n’aura rien [à] envier à celle d’hier soir. Je ne sais pas si c’est à cela que je dois le redoublement d’enflure de mes genoux et de mes pieds mais je sais que cela me fait beaucoup souffrir. Je vais essayer de remettre mes bas élastiques pour comprimer s’il se peut cet envahissement monstrueux de l’œdèmea. Je te demande pardon de t’occuper à ce point de mes misères peu intéressantes, en somme, quand j’ai tant de choses moins moroses à te dire. Et d’abord un billet d’Arrigo Boïto [1] qui t’écrit de Milan qu’il viendra te voir mardi prochain 22, qu’il ne s’arrêtera que ce seul jour là à Paris « rien que pour te voir un instant dans sa vie ». Sic. Il se rend à Londres. Il ne dit pas si ce sera dans la journée ou le soir et ne donne pas l’adresse où il dormira, ce qui empêche de l’inviter à diner. Autre lettre du même profil et, doublée, d’une lettre de sa femme pour moi, qui n’en peutb mais, que les plaindre stérilement. Puis encore deux volumes de Mlle Antonnie Jauffret que t’ont apportés hier les deux Lusignan [2] de sa part. Et enfin ta très humble Juju qui te rabâche son éternel amour.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 167
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin
a) « edème »
b) « peu »