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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 2 janvier 1880, vendredi soir, 5 h.

Mon adoré, je viens reprendre force et courage auprès de toi et oublier toutes mes fatigues de la journée qui sont grandes, multiples et pour la plupart, fastidieuses au dernier point. Heureusement qu’une goutte de restitus suffit à réconforter mon corps, mon cœur et mon âme et je ne doute pas que, avant la fin de mon gribouillis, je ne soisa tout à fait reposée et allègre comme le premier jour où je t’ai vu. OUI, MÔSSIEU ! c’est comme ça. Bisquez ! Entre temps, je t’ai épargné la visite du bon Guillaume et de son fils en leur disant, ce qui est vrai, que tu es en plein travail en ce moment. Quant aux autres devoirs qui t’incombent, tel que, lettres à lire et à répondre, je n’y peux malheureusement rien que te les signaler au fur et à mesure qu’ils se montrent sur ton horizon.
Je viens de relire ma chère petite lettre, ce que je fais le matin, dans la journée et le soir avant de me coucher. Je ne peux pas me décider encore à la faire entrer dans mon reliquaire au risque de l’user de mes lèvres et de mes yeux et de la brûler de mon amour. Demain, je tâcherai d’avoir le courage de m’en séparer pour la conserver entière au chevet de mon lit. [1]
Vous ne me donnez pas d’argent du tout, mon maitre, [2] je ne m’en passe pas pour cela car la dépense, grâce à la confiance que vous inspirez à votre cuisinière, va toujours son train. Ce soir, cependant, je pense qu’elle aura un peu enrayé puisque nous serons que six à table en tout. Je te fais penser que tu dois avoir probablement quelque échéance à recevoir en ce moment même. Si je me trompe l’avertissement est sans utilité. C’est à toi à voir si c’est le cas d’en tenir compte. En attendant, mon grand bien-aimé, je suis arrivée au point que j’espérais en commençant ma chère petite vieille restitus, je suis rassérénée, joyeuse et heureuse d’avoir pu te dire le mot sacramentel de ma vie : je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16401, f. 4-5
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « soit ».

Notes

[1Lettre écrite par Victor Hugo à Juliette Drouet le 31 décembre 1879. Voir Victor HUGO, Lettres à Juliette Drouet, 1833-1883, Le Livre de l’Anniversaire, texte établi et présenté par Jean Gaudon, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1964, p. 178-179.

[2Citation de Ruy Blas, acte I, scène II, Don César à Don Salluste : « vous ne me donnez pas du tout d’argent mon maître ».

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