14 novembre 1849

14 novembre [1849], mercredi soir, 8 h.

La providence vous plagie platement en m’ôtant d’une main le bonheur qu’elle me donne de l’autre, absolument comme vous avez coutume de faire avec moi. Je trouve que c’est lâche mais je rage de bon cœur et Dieu sait que si je pouvais je vous tirerais le nez à elle et à vous jusqu’à vous le dévisser tout bonnement. En attendant, je viens d’envoyer chez ma marquise [1] savoir si elle n’a pas changé d’avis pour demain. Suzanne n’est pas encore revenue. Je regrette de ne pas t’avoir dit que dans le cas où elle ne pourrait pas venir demain j’irais seule à l’Assemblée et que le second billet serait pour me faire rentrer à la séance après t’avoir conduit et ramené de l’Académie. De cette façon nous pourrions revenir ensemble le soir, ce qui ne m’empêcherait pas encore de te conduire chez le président, AU CONTRAIRE. Mais mon embarras maintenant c’est de te le faire savoir. J’ai une répugnance invincible à t’écrire chez toi. C’est tout au plus si, malade à la mort, je consentirais à envoyer chez toi. Aussi je ne vois pas d’autre moyen que de t’écrire à l’Assemblée par l’entremise des huissiers. Dans ce cas-là tu me ferais un signe quelconque au moment où tu sortirais et je te rejoindrais à la porte ou chez M^me Sauvageot. Le premier arrivé attendrait l’autre. Il me semble que ce n’est pas mal arrangé ainsi, le cas de refus de ma marquise échéant. En attendant je vous baise au scrutin de division.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 313-314
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse