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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juillet [1845], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, comment vas-tu ce matin ? As-tu dormi cette nuit ? Ce serait une question à te faire tous les jours ou plutôt à ne pas te faire, car je sais d’avance que tu travailles toutes les nuits comme un pauvre ouvrier qui attend après son travail pour acheter un pain de quatre livres. Quand je pense à cela, j’ai honte de mon inaction et je me reproche d’y tant contribuer pour ma part. Mon Victor chéri, je ne devrais pas toucher à cette corde-là parce que cela me rend triste sans utilité pour toi et que cela ne fait que me rendre plus défiante sur la durée de ton amour. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Dès que tu n’es plus avec moi, je me demande ce que tu fais, ce que tu penses, ce que tu aimes, et je trouve que tu travailles toujours, que tu dois être épuisé et découragé et que tu aimerais mieux le repos sans moi que cette vie si rudement laborieuse avec moi. Tu juges alors si je suis gaie quand je crois à toutes ces choses-là. Aussi je fais tous mes efforts pour n’y pas croire, mais mon esprit y revient sans cesse avec une cruelle et amère persévérance. C’est alors que j’ai besoin de te voir pour me tranquilliser. Ô, tâche de venir bien vite, mon adoré, je suis dans un de ces vilains moments où j’ai tant besoin de te voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 27-28
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]


12 juillet [1845], samedi après-midi, 3 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, tu n’es pas venu encore et j’en suis très fâchée, fâchée parce que je t’aime et que je voudrais toujours te voir, car, du reste, je n’ai pas la moindre humeur, le bon Dieu le sait.
J’ai reçu tantôt un panier de grosses fraises de Brest qui ne m’avait pas été annoncé. Seulement, dans le panier, il y avait un mot de mon beau-frère pour me dire de les manger avec gaîté et appétit, quoiqu’elles viennent de la part de gens fort tristes [1]. Je t’en ai déjà mis deux plats énormes de côté. J’en enverrai un plat demain à Claire et à Charlotte et puis les plus écrasées seront pour moi, Cocotte et Suzanne. J’en ai envoyé tout de suite quelques-unes à Eulalie parce que ses amis de la barrière de l’Étoile m’ont fait à différentes fois des gâteaux de riz et des tartes aux cerises. Tu sais que je n’aime rien recevoir, même indirectement, sans rendre quelque chose. L’occasion s’en trouve ici tout naturellement. Je regrette maintenant d’avoir fait partir ma lettre pour Brest hier. Si j’avais tardé d’un jour, j’aurais pu faire d’une pierre deux coups. Il faudra que je leur écrive pour les remercier. En attendant, je voudrais te voir et je t’aime plus que de raison. Je t’attends de toutes mes forces. À tantôt, si tu ne peux pas venir tout de suite, mais j’aimerais mieux tout de suite que tantôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 29-30
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Gustave Koch, troisième fils de Renée et Louis Koch, né le 13 novembre 1837, est mort le 18 mai 1845.

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