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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juin 1845

29 juin [1845], dimanche matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour, ma chère petite scie, as-tu soif ? Fais-toi donc faire un habit bien vite, je t’assure que tu en as le plus grand besoin. As-tu soif ? Baisez-moi, vilain, et ne me faites plus enrager, je vous pardonne et je bois à votre habit neuf. Baisez-moi. Je te remercie, mon Toto, de ton cher petit cadeau. Il m’a fait bien plaisir. Ce sont des reliques pour moi. Plus j’en ai et plus elles me sont précieuses. Je voudrais en avoir plein ma maison. Je voudrais t’avoir aussi, toi. Hélas ! vœu superflu ! Plus je te désire et moins tu viens, et pour combler la mesure de mon impatience, tu me promets de venir encore moins après la sessiona. Je ne sais pas comment tu feras pour venir moins, si ce n’est de ne pas venir du tout. Mais tu connais l’histoire de la ration d’avoine et du cheval [1]. Ce mythe est tout à fait à mon adresse et je sens que je suis vouée au même sort que ce pauvre animal. J’attends, mais je ne me résigne pas. Je suis même disposée à l’insurrection et à la révolution, plus que jamais, de JULIETTE.
J’aurais bien été chez ma fille aujourd’hui, si tu l’avais permis, mais je crains de la déranger dans ses foncions de sous-maîtresse et de gardeuse d’enfants. Je me résigne à rester chez moi à vous attendre. Vous seriez bien gentil de venir un peu plus tôt et de rester plus longtemps en l’honneur du dimanche et de la Saint Pierre, mais je n’y compte pas. Baisez-moi et aimez-moi ou la mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 353-354
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « la cession ».


29 juin [1845], dimanche après-midi, 3 h. ½

Je profite de la permission, mon cher bien-aimé, je vais voir ma fille. Je n’ai pas voulu garder la maison à moi seule un DIMANCHE. La cousine de Suzanne est venue la chercher pour aller au Père Lachaise voir la tombe de la mère de l’une et de la tante de l’autre. J’y ai consenti jusqu’à l’heure du dîner et voilà ce qui m’a décidée à aller voir ma péronnelle. Je partirai d’ici à quatre heures juste. Je serai à cinq heures à la pension, j’y resterai jusqu’à l’heure du dîner, six heures à peu près, et puis je reviendrai chez moi où j’espère te trouver, en supposant, comme ce n’est que trop probable, que tu ne sois pas venu au-devant de moi. Je côtoierai le boulevard de ce côté-ci, la rue Saint-Antoine à droite et la place des arbres sans entrer par la barrière principale. Je referai le même chemin en revenant. Je t’écris tout cela, mon bien-aimé, dans le cas où tu viendrais tout à l’heure. Je laisserai ce gribouillis sur ta serviette aux yeux afin que tu voies tout de suite à quelle heure je suis partie et le chemin que j’ai pris. As-tu soif ? Fais-toi donc faire un habit. Porte-moi. Surtout aime-moi si tu tiens à la vie.

Juliette

Voici justement les deux petites Rivière qui vont venir avec moi à la pension.

BnF, Mss, NAF 16359, f. 355-356
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Conte populaire racontant l’histoire d’un paysan qui décide de diminuer la ration de nourriture de son cheval (ou de son âne selon les versions). Voyant que son cheval continue à travailler tout aussi bien en mangeant moins d’avoine, il continue à diminuer la nourriture de sa bête jusqu’à ne plus rien lui donner. Finalement, le cheval en meurt.

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