Guernesey, 12 avril 1860, jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon pauvre cher grand bien-aimé, bonjour le plus doux, le plus tendre de mon cœur et de mon âme. As-tu bien dormi cette nuit, mon pauvre cher adoré ? Le départ de ta petite belle-soeur [1] et la préoccupation de te lever à temps pour la conduire au packet [2] t’ont peut-être réveillé plus tôt qu’il n’aurait fallu, sans compter qu’il fait un temps hideux. Je ne parle pas des regrets que te cause le départ de cette bonne petite femme et du vide qu’il va faire dans ta maison dans un moment où la distraction serait plus nécessaire que jamais, mais j’en ressens l’influence par amour pour toi et par sympathie pour toute ta famille. Malheureusement je ne peux rien à cette situation donnée. Je ne peux que t’aimer et désirer pour toi et les tiens tout ce qui peut faire une heureuse diversion à votre exil, ce que je fais de tout mon cœur et de toute mon âme. Quant à moi, mon cher adoré, je tâcherai de te rendre la vie la plus facile que je pourrai, de M’ABSORBER moins dans mon MENAGE et d’avoir moins de susceptibilité pour toutes les petites observations que tu pourras me faire à ce sujet [3] et à tous les autres. Je te baise de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 79
Transcription de Claire Villanueva