Guernesey, 20 mars 1860, mardi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Tu dois avoir passé une très bonne nuit car tu es bien heureux maintenant que ta femme est revenue [1]. J’espère que ce sera pour longtemps. En attendant je regrette que ton cher portrait ait tant perdu à la gravure. Il est triste de penser que cette caricature [plusieurs mots illisibles] deviendra par le talent du graveur un portrait officiel de toi pour les artistes et pour le public. De tous ceux des portraits que je connais de toi celui-ci est celui qui me plaît le moins ou plutôt qui ne me plaît pas du tout [2]. Cela ne l’empêchera pas de prendre place dans mon trésor au souvenir à cause des sept mots que tu as eu la bonté d’écrire pour moi et qui rayonnent comme autant d’étoiles dans le ciel de mon amour. Je t’en remercie avec attendrissement, mon cher bien-aimé. Je regrette de ne savoir que t’aimer en bloc pour te dire tout ce que je sens d’admiration et d’adoration pour toi. Mais ce regret tant de fois exprimé n’a pas façonné mon esprit ni éclairé mon ignorance et je suis aussi Juju que devant. Il faut bien que j’en prenne mon parti et que tu te résignes à cet amour immuablement bête. Sur ce je te baise depuis la tête jusqu’aux pieds et de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 56
Transcription de Claire Villanueva