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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1838], mercredi, 2 h. après-midi

Bonjour, cher petit bien-aimé, bonjour, cher petit homme adoré. Comment vas-tu, pauvre petit ouvrier ? J’ai honte quand je pense à ce que tu fais pour moi. Je trouve alors que mes paroles sont bien vides, bien froides et bien dérisoires en face de tes actions. Cependant je crois que si tu étais à ma place, tu ne voudrais pas y rester même un quart d’heure tant je souffre et tant mon inaction est difficile à supporter. Je ne te dis pas la moitié de mes souffrances ni de mon désespoir pour ne pas te paraître exagérée. Mais si tu pouvais voir le fond de mon cœur, tu serais effrayéa des combats que mon amour livre à tous les instants à ma vie, à ma fierté et à ma générosité car moi aussi je suis généreuse et il n’a fallu rien moins que l’amour que j’ai pour toi pour enchaîner cette vertu au fond de mon cœur. Peut-être qu’un jour la générosité redeviendra libre et alors, mon bien-aimé, il n’y aura plus pour toi de nuit sans sommeil ni de jour sans repos. Quantb à moi, il n’y aura plus rien dans ce monde, ni peine ni plaisir, il n’y aura plus que de l’amour tout seul car quoi qu’il arrive et que je fasse, je t’aimerai toujours. Ma lettre n’est pas très compréhensible, c’est qu’il y a des choses que je n’ose t’avouer et que je n’avoue pas même à moi. Mais je crois que nous touchons à une catastrophe. Je crois que j’aurai bientôt le courage de te rendre le repos, la vie et la liberté, et je suis sûre qu’au fond du cœur tu me remercieras car tu es las, mon pauvre bien-aimé, et moi je t’adore plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 53-54
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain
[Souchon]

a) « efrayé ».
b) « Quand ».


7 février [1838], mercredi soir, 6 h. ¾

Pauvre bien-aimé, vous venez de me donner dans un baiser du bonheur pour toute la vie. Je blasphème quand [j’écris ?] que je suis malheureuse ; je suis absurde, je suis stupide, je suis ingrate, mon adoré, mon Toto, mon Victor bien-aimé et bien chéri. Je suis heureuse et, si tu n’étais pas souffrant et fatigué, je n’aurais rien à désirer au-dessus du bonheur d’être aimée de toi et de t’adorer. Chère âme, je vous donne carte blanche, comme vous dites, pour terminer une affaire ennuyeusea et d’où dépend ton repos et le mien. Je suis sûre que tu ne me trahiras pas. Je prends cette confiance dans mon amour même. Il me serait si impossible de te tromper que j’espère qu’il en est de même de toi.
Soir, Toto, soir, mon petit To. Je vais me plonger dans le bain pour en ressortir en Vénus, moins la coquille classique et mythologique. Si vous étiez là, vous feriez l’office de triton, ce qui serait assez amusant par le Carnaval qui court. Je vous dis des bêtises parce que je suis geaie. Je vous en dis aussi quelquefois parce que je suis triste, de sorte que je vous en dis toujours. C’est pas ma faute si j’ai en moi une source intarissableb qui découle en tout temps et à tout propos de ma plume mais avec cela, je t’aime et je t’adore. Cela excuse bien des choses.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 55-56
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « ennuieuse ».
b) « intarrissable ».

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