Guernesey, 18 mai 1859, mercredi matin, 8 h.
Bonjour, mon tout bien-aimé, bonjour. Que le bonheur soit avec toi et cum spiritu tuo [1]. Il y a longtemps que j’éprouvais le besoin d’expectorer un peu de latin et je m’en passe la fantaisie ce matin en votre honneur. Cette débauche d’érudition vous dit assez dans quel état de cœur, d’esprit et de santé je suis ce matin, mon cher petit homme ; il ne me reste plus qu’à me souhaiter que LA PRÉSENTE VOUS TROUVE DE MÊME au saut du lit. En attendant, je tâche de m’ingénier pour trouver le moyen de ne pas vous demander d’argent aujourd’hui car je sais que vous êtes assez dédoré en ce moment, mais je n’en vois aucun qui me satisfasse. Il faudra que vous m’aidiez de votre conseil pour résoudrea ce problème ARDU. Jusque là, je gratte le fin fond de mon tiroir et j’en extrait tous les liards que j’ai gagné hier (et à ce sujet, je vous demanderai ce que signifie cette CHANCE inaccoutumée ?) si vous croyez que je tiens à m’enrichir à ce JEU-là, vous vous trompez du tout au tout et je vous prie de laisser ma FORTUNE tranquille et de ne pas y collaborer de cette façon.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 132
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « résourdre ».