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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juillet [1844], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour mon adoré. Bonjour mon cher petit blagueur, vous êtes bien [illis.], n’est-ce pas ? Je ne vous en fais pas mon compliment mais je vous préviens que les barricades [1] seront posées d’ici à deux ou trois jours. En attendant, j’ai un mal de tête fou que l’odeur de la lavande augmente encore davantage. J’ai été obligée, même, de la faire porter dans la chambre de Suzanne jusqu’à que tu l’emportes ce soir. En même temps, on t’a acheté deux cents pavots. Tout cela, y compris le blanchissage d’aujourd’hui, fera que je n’aurai plus un sou de reste. Voilà, mon cher bien-aimé, où j’en suis de mes FONDS. Je t’en préviens parce que tu le veux ainsi.
Je ne sais pas si je pourrai jamais trouvera le courage de relire ces hideux volumes que tu m’as apportés. Tu devrais, vraiment, charger une autre personne plus robuste que moi de cette corvée assommante. D’y penser seulement, il me semble qu’il me passe sur la tête une voiture chargée de moellonsb, ce qui n’est pas fort moëlleux ni très sain en aucune saison et principalement dans celle-ci. Enfin, j’essaierai. Si je succombe, je ne veux pas d’autres pierres tumulaires que ces deux pavés monstrueux. En attendant, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 221-222
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « trouvé ».
b) « moëllons ».


3 juillet [1844], mercredi soir, 9 h. ¼

Je suis éreintée, mon adoré, non pas de la promenade mais du mal de tête. Les yeux me font horriblement de mal, je ne peux pas regarder, on dirait qu’ils vont sortir de leur orbite. Tout cela ne m’a pas empêchée d’être la plus heureuse des femmes tantôt. Merci, mon adoré, merci mon cher adoré, merci, mon beau, mon ravissant Toto, merci, tu m’as renduea bien heureuse en venant me chercher tantôt. Si tu avais pu voir quelle fête c’était dans mon cœur tu aurais été bien heureux toi-même et tu tâcherais de recommencer bien vite. Tu as fait deux heureuses à la fois car cette pauvre Claire ne savait comment exprimer sa joie. Elle me baisait les mains, la robe, le mantelet, tout cela entremêlé d’exclamations à ton adresse : – « Oh ! Que M. Toto est bon ! Oh ! Que je l’aime de t’avoir amenée ! Remercie-le bien pour moi, dis-lui que je l’aime de tout mon cœur ! Etc. etc. » Voilà, mon cher amour, ce que vous avez fait tantôt. Vous voyez que vous n’avez pas perdu votre temps ni vos pas. Mon Victor adoré, sois béni, sois heureux autant que tu es bon et que je t’aime, c’est ma prière de tous les instants. Je baise tes divines mains, je baise ta ravissante petite bouche rose. Je te désire et je t’attends. Tâche que ce ne soit pas trop longtemps. Je t’en supplieb.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 223-224
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « rendu ».
b) « suplie ».

Notes

[1Barricades : métaphore pour les règles.

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