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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 avril [1844], dimanche soir, 11 h. ⅟₂

Je ne suis pas folle de joie, mon Toto, je trouve que j’achète toujours bien cher les pauvres petits moments de bonheur que tu me donnes. Ainsi, la matinée d’aujourd’hui a été payée par deux éternelles journées d’attente et de jalousie.
Je sais si bien d’avance que les quelques minutes de joie que tu me donnes seront échangées contre des heures et même des journées d’attente que mon plaisir en est tout troublé : il est probable que tu as dînéa en ville ou que tu as reçu ce soir ? Je sais bien que cela ne peut pas être autrement mais il me semble que, demeurant à ta porte, tu aurais pu, en le voulant bien, venir me serrer la main et m’embrasser ? Enfin, tu ne l’as pas fait, je suis triste, voilà tout. Toutes mes réflexions, loin de t’attirer, t’éloigneront plus encore, si tu ne m’aimes plus ou si tu m’aimes moins, ce qui est synonymeb. Voici bientôt l’heure à laquelle je puis espérer te voir si tu viens. Il n’y a donc plus que patience et courage à avoir. En attendant, j’ai eu la visite de ma propriétaire [1] tantôt, et Mme Triger et son fils à dîner ce soir. Après leur départ, j’ai compté ma dépense, je me suis déshabillée, j’ai arrosé mes fleurs, et puis enfin, je te gribouille mes doléances. Voilà en substance l’emploi de mon temps. Pour ce qui est de mes pensées et de mon cœur, vous devinez trop l’emploi que j’en ai fait, aussi, je ne vous le dirai pas, scélérat. Si vous voulez le savoir de ma bouche, vous n’avez qu’à venir et je vous le dirai, je vous le prouverai, je vous le cornerai, je vous le baiserai, je vous le caresserai sur toutes les coutures de vos habits et dans toutes vos oreilles. En attendant, je suis bien impatiente et bien triste, je vous aime trop pour ce que vous ne m’aimez pas assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 89-90
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « tu as diner ».
b) « synonime ».

Notes

[1À élucider.

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