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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 octobre [1842], samedi soir, 4 h.

Vous serez vraiment le plus charmant des hommes, mon Toto, si vous n’êtes pas parti à Saint-Prix [1]. Comme vous en serez le plus hideux si vous y êtes allé. Je n’ai pas beaucoup de confiance dans votre fameuse croûte de pain et dans votre gros paletot. Je vous crois trop capable de vous moquer de ma crédulité, aussi c’est pourquoi je n’ajoute plus aucune foi à vos reliques.
M. Mignon vient de venir. Je lui ai donné ses six francs. Je viens aussi de payer le loyer mais j’ai ajourné le ramonage parce que je veux voir sur mes autres livres combien on m’a pris la dernière fois. J’ai un mal de tête absurde. Cela se trouve d’autant plus mal que je suis obligée de faire bonne contenance vis à vis ce pauvre beau-frère qui pourrait croire d’après les vieilles traditions sur les migraines des parisiennes, que je lui fais la grimace. Je voudrais bien, mon cher adoré, que tu consultasses M. Louis ou, mieux encore, un oculiste, pour tes yeux. Ce serait une consultation double puisqu’elle pourrait servir pour toi et pour moi car les mêmes phénomènes se présentent tour à tour chez toi et chez moi. Ainsi, mon cher bien-aimé, pour moi et pour vous, faîtes cette consultation et je vous baiserai bien pour la peine. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Je vous adore, quoique vous soyez très méchant et que vous m’ayez dit que j’étais ROUGE, VIEILLE et LAIDE. Je vous aimerai toujours, quoique vous disiez mais je vous tuerai NET COMME DOMINUS [2] le jour où vous me ferez des TRAITS. Maintenant, c’est entendu, ne soyez pas à Saint-Prix et je vous pardonne toutes vos turpitudes passées.
Je vais écrire à ma sœur, mon beau-frère fera le facteur. Il faut que je me dépêche car voici bientôt l’heure. Viens ici, vite, que je te baise sur toutes les coutures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 165-166
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les enfants de Victor Hugo, ainsi que sa femme, sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise.

[2« Net comme Dominus » : expression que Juliette utilise régulièrement, pour exprimer le plus souvent ses menaces jalouses. L’origine en demeure énigmatique, mais Juliette l’utilise sans doute en référence au droit romain selon lequel le titre de « Dominus rei » revenait au propriétaire d’un bien qui, de fait, en avait également la « nue propriété » [Remerciements à Sylviane Robardey-Eppstein].

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