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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 mars 1837

6 mars [1837], lundi, midi ¾

Jour mon cher petit bien aimé. Je me réveille très tard, mais c’est que j’ai été bien malade cette nuit, cependant je vais mieux à présent.
Je t’aime mon Toto chéri, je t’aime mon Toto adoré, je suis triste malgré moi. Cela tient à ce que je ne te vois pas assez. Nous aurions bien besoin, mon cher ange, de faire un petit voyage ce printemps pour nous redonner un peu de cœur au ventre, moi surtout qui suis triste et découragée.
Quel malheur que je ne sois pas la maîtresse d’arranger ce petit événement dans notre vie, tu verrais comme je m’en tirerais bien. D’abord, je ferais ressource de tout, ensuite je partirais en emmenant ma Juju c’est-à-dire mon Toto le plus loin que je pourrais, ensuite je la baiserais, je la promènerais au bord de la mer le plus longtemps possible et [illis.] je ne reviendrais à Paris que dans très longtemps et sans le sou, mais avec une grande provision de bonheur et d’amour.
Voilà ce que je ferais, si j’étais vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 239-240
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


6 mars [1837], lundi après midi, 3 h.

Mme Guérard sort d’ici, elle est venue prendre sa loge. Elle s’est beaucoup excusée de son oubli quand à la mienne, ce qui, au reste, m’a été fort indifférent. Elle est toujours bête à son ordinaire, mais elle t’aime toujours, ce qui ne la rend supportable.
Quel vilain temps gris, je suis toute malade et toute grimaude : j’ai toujours très mal à la gorge. À quoi cela tient-il ? Cependant je vous aime comme il n’est pas possible. Je pense à vous sans cesse, avec cela on ne devrait pas être malade car ce sont deux complications qui se tournent le dos ordinairement. Je ne sais pas pourquoi elles font une exception en ma faveur.
Mon bon petit Oto chéri, je n’ai pas de nouvelle de François ce qui m’inquiète, je ne comprends pas du tout ce que cela veut dire. Je lui écrirai encore ce soir ou demain, car enfin il faut en avoir le cœur net. En attendant je t’attends, je t’aime, je baise tes mains et tes pieds y compris l’intervalle. Jour, mon adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 241-242
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


6 mars [1837], lundi soir, 11 h. ½

Tu es donc bien malade, mon pauvre cher adoré, puisque tu n’as pas pu venir ce soir ? Quoique j’approuve cette précaution et que j’espère qu’elle arrêtera tout court ton mal, je n’en suis pas moins inquiète et pas moins désespérée de ne pouvoir te donner mes soins. J’avais fait moi-même toutes les tisanesa que je croyais propres à calmer ton mal de gorge. Elles sont là, n’ayant pas le courage d’en user pour moi-même qui suis souffrante aussi et toute empaquetée. Mais j’ai tant de chagrin de ne pas t’avoir vu et si peur que tu ne sois plus sérieusement malade que je ne l’avais cru d’abord, que je voudrais crever plutôt que de rien faire pour m’empêcher d’avoir un mal quelconque. Oh je suis vraiment triste jusqu’au fond de l’âme.
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, pauvre bien-aimé, quelle imprudence aussi, te sentant malade, de passer la nuit à travailler ; avec l’argent du bougeoir nous pouvions aller très longtemps. En vérité tu m’aimes bien peu si tu exposes ainsi ta santé, c’est-à-dire ma tranquillitéb, ma vie.
Je ne sais plus déjà où j’en suis ; ainsi juge si cela se prolongeait seulement deux jours… Hélas, mon Dieu, tu ne t’étonnerais pas si j’allais moi-même savoir de tes nouvelles ? Je ne pourrais pas m’en empêcher. Mais il faut espérer que Dieu aura pitié de moi et que cette nuit de calme et de repos effacera toute espèce de mal, n’est-ce pas mon adoré ? Et puis je te verrai demain beau et rayonnant à l’ordinaire. Oh ! je t’en prie, si cela est, viens bien vite, ne fût-ce qu’une minute te montrer à moi pour me rassurer. Je souffre trop déjà de l’inquiétude.
Bonne nuit, bonne [illis.] bonne santé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 243-244
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « tisannes ».
b) « tranquilité ».

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