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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 avril [1837], mardi matin, 9 h. ¾

C’est un bonjour bien matinal que je vous dis là, mon cher petit paresseux, et qui devrait vous faire mourir de honte. Je ne croirai plus à rien de vous, c’est fini pour la vie. Il y a bien longtemps que je suis réveillée, je n’ai pas voulu me lever dans un espoir FALLACIEUX qui vous fait peu d’honneur assurément. Le temps continue à être au beau fixe, de votre côté vous êtes à l’absurde immobile. Nous verrons lequel des deux cèdera à l’autre, je ne crois pas que ce soit vous, vous avez trop de caractère pour cela, ce dont je vous fais mon compliment bien sincère. J’ai attrapé un rhume de cerveau pommé, il paraît que la POMMADEa DU LION [1] ! opère, encore sept rhumes comme celui-ci et mes idées seront tout à fait lucides. Alors je pourrai vous voir, ce que vous êtes effectivement ; c’est-à-dire l’homme exact, empressé, amoureux et FAMEUX. Jusqu’ici la confusion de mes idées fait que je ne rends pas pleine et entière justice à vos qualités et à vos [lenteurs ?]. Mais depuis que j’ai, mon Camarade, de ta pommadea du Lion, etc., etc… !!! Mon cher bien-aimé, mon petit Toto, je plaisante, j’ai pas pour deux yards de fil mais j’ai beaucoup de chagrin de ce que tu t’obstinesb à travailler avec cettec ardeur. Mais je t’aime, mais tu es mon Toto adoré, je voudrais te baiser depuis le matin jusqu’au soir. Tu juges si mon désir est satisfait ! Enfin ! je ne t’en veux pas, je t’aime, je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 87-88
Transcription de Chantal Brière

a) « POMADE ».
b) « obstine ».
c) « cet ».


25 avril [1837], mardi après-midi, 1 h. ½

Je vous écris au milieu d’un nuage de poussière dont je suis la déesse, mon cher petit homme. Aujourd’hui j’ai voulu faire un grand nettoyagea aussi j’ai des ampoules plein les mains et je me suis donné force coups de bâton sur les doigts sans l’avoir mérité. Je suis éreintée, je n’en peux plus. Et sale, c’est une bénédiction. Je serais très heureuse que vous me voyiezb dans cet état et que vous ne reculiez pas d’horreur, ça prouverait que vous m’aimez d’un amour solide et inaccessiblec à la crainte. C’est à peine si je peux tenir ma plume tant j’ai les mains enflées et douloureuses, mais j’ai le cœur si plein d’amour aussi qu’il faut que je vous en dise quelques mots. Jour mon petit Loto, jour mon petit o. Il me semble quand je travaille comme cela que tu dois m’aimer plus parce qu’alors je suis bonne et dévouée et que je t’aime encore plus, si je peux t’aimer plus dans un moment que dans l’autre. Je vous assure, mon petit o, que j’ai bien mérité que vous me meniez dîner chez le grand Passoir [2]. Je l’ai bien gagné comme aussi d’être baisée vigoureusement et pour tout de bon. En attendant votre bon plaisir je vous adore, mon Toto, comme toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 89-90
Transcription de Chantal Brière

a) « nétoyage ».
b) « voyez ».
c) « innacessible ».

Notes

[1La « Pommade du Lion », très en vogue dans les années 1830, était un cosmétique capillaire censé faire des miracles. Publicité et dessins satiriques de l’époque en témoignent.

[2Restaurant à la mode, chantant et dansant. Situé rue du Faubourg du Temple, c’était le rendez-vous des acteurs et des auteurs du boulevard.

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