Paris, 1er décembre [18]77, samedi, midi ½
Cher bien-aimé, je suis heureuse d’avoir à te payer ma restitus d’hier [1] car c’est surtout en amour que se justifie le proverbe : qui paie ses dettes s’enrichit. Le cœur n’est jamais plus plein de tendresse que lorsqu’il les prodigue à l’être aimé. J’en ai la preuve tous les jours. Donc nous n’allons pas au Sénat aujourd’hui, quel bonheur !!! Il est vrai que lundi il faudra en reprendre le morne chemin ; mais à chaque jour suffit sa peine, contentons-nous pour aujourd’hui de cette journée de quasi-liberté. Je ne sais pas encore ce que dit Le Rappel mais en-dehors de lui j’ai une lettre par-dessus les étoiles d’Émile Perrin qui se gaudit d’enthousiasme du succès d’Hernani et de recettes par-dessus les bords de sa caisse [2]. Il t’écrit pour t’en féliciter avec toi ; en même temps il t’annonce la représentation pour les [barbistes ? [3]] samedi prochain... s’ils peuvent trouver de la place car tout est archiloué pour bien longtemps. Heureux auteur ! heureux théâtre ! heureux public ! Heureuse Juju qui assiste à toute cette gloire, à tout ce succès et à tout ce bonheur. Et qui sent son amour plus grand encore qu’eux tous. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 325
Transcription de Guy Rosa