Guernesey, 26 mars 1859, samedi, 8h.
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour, toute ma joie en ce monde et toutes mes aspirations dans l’autre. Bonjour, je t’aime. Si ce gribouillis informe pouvait devenir transparent à tes yeux, tu verrais mon âme à travers et tu respireraisa en le lisant tous les parfums des baisers dont il est imprégné. Cher, cher bien-aimé, quelle ravissante et bienfaisante promenade pour le bonheur et pour la santé nous avons faite hier ! Loin de m’en sentir fatiguée ce matin, j’en suis au contraire plus trottillante et plus gaillarde ; et cependant, je n’ai peut-être pas dormi deux heures dans toute la nuit, par une sorte d’agitation et de surexcitation de tendresse et d’amour qui me tenaient éveillée sans me faire souffrir. Mais toi, mon pauvre adoré, comment t’es-tu tiré de ta nuit ? As-tu bien dormi ? Ton lumbago, comment se comporte-t-il ? Je voudrais le savoir. En attendant que tu puisses venir me le dire, je pense à toi de toutes mes pensées, je te désire de tout mon cœur et je t’aime de toute mon âme. N’oublie pas que tu dois aller voir juger Marquand à midi. S’il te reste un moment ce soir avant le dîner, nous irons si tu le veux sur la colline. Jusque là, je te baise de toutes mes forces.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 79
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « respirais ».